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en plus opime. Récapitulons : aux États-Unis d’Amérique, on recense, en 1880, 4,008,000 exploitations rurales, au lieu de 2,659,000 en 1870, et la moyenne de chaque exploitation est tombée successivement de 82 hectares en 1850, à 80 en 1860 et à 54 en 1880. En Hongrie, pays encore neuf et à population clairsemée, on compte 2,486,000 propriétés, ce qui représente plus d’une propriété par six habitans. L’Autriche, avec ses 4,116,216 contribuables à l’impôt foncier rural et ses 52 millions de parcelles, ne s’étendant chacune en moyenne que sur 57 ares, marque un progrès dans le morcellement. L’empire d’Allemagne qui, sur les quatre cinquièmes seulement de son territoire, possède 5,276,344 exploitations, dont 4,447,000 sont exploitées par le propriétaire, soit de toute la superficie, soit d’une partie de la superficie, ne fait pas exception à cette règle des peuples anciennement civilisés. On en peut dire autant de l’Italie, où l’on compte 3,352,000 propriétaires de terrains, en dehors des simples propriétaires de constructions. La Hollande et la Belgique, qui offrent l’une 581,484 contribuables à l’impôt foncier rural et 4,433,000 parcelles ayant en moyenne 70 ares, l’autre, 910,396 exploitations rurales, terminent avec éclat la série des nations occidentales, où la petite propriété et la petite culture s’épanouissent. Voilà donc le fait universel. Si nous avions des statistiques sur la Grèce, sur le Portugal, sur l’Espagne même, nous en aurions, sans doute, une confirmation nouvelle. Partout où la loi n’intervient pas comme un obstacle, soit brutalement sous la forme de substitutions et de majorats, soit sournoisement par des lois de procédure inextricables et des droits de transfert prohibitifs, la terre se divise et échoit à un nombre de plus en plus considérable de mains.


II

Nous n’avons pas parlé encore de la France, le lecteur peut en être surpris. Il nous plaisait de jeter d’abord un coup d’œil au dehors et de montrer que la petite propriété et la petite culture, biens ou fléaux, ne sont l’apanage ni de notre race, ni de notre sol. Le monde moderne est plus uniforme que ne se le figurent les politiciens et mêmes les philanthropes. Il obéit à des lois instinctives d’évolution, qui, partout où les états ne font pas de grands efforts pour les contre-carrer, produisent à la longue des résultats assez identiques. Nos vertus et nos vices, nos qualités et nos défauts, dans l’ordre social comme dans l’ordre personnel, nous sont moins propres qu’à tout le genre humain.

C’est à la propriété en France que le savant et ingénieux ouvrage de M. de Foville est particulièrement consacré. Il traite ce sujet