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produit n’est qu’un appoint dans le revenu de celui qui les possède. Les espaces vacans sont encore tellement énormes dans l’Amérique du Nord, et la culture intensive, sauf dans les contrées de l’Est et dans la banlieue des villes, y rencontre tant d’obstacles, que la propriété naine y est presque inconnue. Dans les ventes ou les concessions gratuites de public lands, l’unité ordinaire est un carre géométrique d’environ 65 hectares, correspondant à ce qui pour l’étendue serait considéré en France comme une grande propriété. Le census de 1880 constatait 4,008,907 exploitations rurales ayant une étendue de 217 millions d’hectares, soit 54 hectares pour chacune en moyenne. Le nombre des exploitations peut être un peu supérieur à celui des propriétaires, mais il n’en doit guère différer, car on sait que le fermage n’existe aux États-Unis que d’une façon tout à fait exceptionnelle. Les farms, c’est-à-dire les exploitations, sont cultivées le plus souvent par le propriétaire, quelquefois pour les très vastes, par des régisseurs. On peut donc admettre que le nombre des propriétaires ruraux doit atteindre, dans la grande Union américaine, le chiffre élevé de 3 millions et demi à 4 millions. Il a une tendance à rapidement s’accroître, car le nombre des exploitations, qui était, on l’a vu, de 4,008,907, d’après le Census de 1880, n’atteignait que 2,659,985 en 1870, 2,044,077 en 1860 et 1,149,073 en 1850. Il a ainsi presque doublé depuis vingt ans et presque triplé depuis trente. Il s’en faut que la population se soit accrue dans ces proportions. Elle était de 23 millions d’âmes en 1850, de 31 millions et demi en 1860, de 38 et demi en 1870 et de 50,155,783 en 1880. A ne considérer que les vingt dernières années, le nombre des exploitations rurales a augmenté de 95 pour 100 et la population de 60 pour 100 seulement. La proportion des propriétaires au nombre total des habitans s’est donc notablement élevée.

Ainsi les États-Unis n’échappent pas à la loi générale, qui veut que là où la terre est libre, elle se morcelle à mesure que la culture se perfectionne. Malgré les énormes latifundia qui se sont constitués depuis quelques années au Minnesota, au Dakota, au Texas, en Californie même, l’étendue moyenne des exploitations territoriales dans la grande république américaine n’a pas cessé de se restreindre. Elle était de 82 hectares en 1850, de 80 en 1860, elle tombe à 62 hectares en 1870, puis à 54 en 1880.

La petite propriété, dans le sens français du mot, ne se rencontre guère, toutefois, aux États-Unis ; elle disparaît plutôt, c’est la moyenne qui prend le dessus. Sur les 4,008,907 exploitations rurales recensées en 1880, on n’en comptait que 4,352 de moins de 1 hectare 20 ares, 134,889 entre 1 hectare 20 ares et 4 hectares, 254,749