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Nulle race ne supporte mieux la défaite que la race espagnole et ne s’abat moins aisément sous un revers. L’amiral ne gagnait à ses deux beaux faits d’armes que la gloire de les avoir accomplis : retiré au mouillage d’Anton-Lizardo, mouillage beaucoup plus sûr, beaucoup mieux abrité que celui de Sacrificios, il ne savait quel nouveau coup frapper pour venir à bout de cette résistance indomptable. « Les Mexicains, écrivait-il, sont comme les Romains : ils vendront le champ sur lequel Annibal est campé. » La garnison française préposée à la garde de la forteresse commençait à souffrir ; quant à l’escadre, elle continuait à recevoir son eau et ses vivres frais de La Havane. On eût été charmé de trouver un biais pour renouer les négociations ; les Mexicains ne semblaient nullement disposés à seconder ce désir. Les Anglais, par bonheur, apportèrent la solution : ils ne tranchèrent pas ; ils dénouèrent doucement le nœud gordien. Le gouvernement français avait repoussé fièrement leur médiation officielle ; ils parvinrent à faire accepter une médiation officieuse. Par l’entremise de leur ministre à Mexico, M. Packenham, un traité de paix conclu à Vera-Cruz, le 9 mars 1839, fut ratifié le 20 par le congrès. La France obtenait, à peu de chose près, les conditions réclamées à Jalapa, et le Mexique recouvrait sa forteresse, « Si les Mexicains, écrivait l’amiral le 8 avril 1839, sont charmés de se retrouver en possession de leur citadelle, nous ne le sommes guère moins de ne plus avoir à l’occuper. Déjà vingt-quatre artilleurs, sur trois cent soixante, avaient succombé à la fièvre jaune, depuis le mois de décembre. Le vomito est inhérent aux murailles d’Ulloa. »

La France, en 1839, s’était prise d’une susceptibilité vraiment singulière à l’endroit de l’Angleterre. C’était la seule puissance qui fût réellement sympathique à nos institutions : le gouvernement le comprenait, raison de plus pour que l’opinion publique affectât de le méconnaître. L’opposition est inhérente à notre race comme le vomito aux murailles de Saint-Jean-d’Ulloa. L’intervention de l’Angleterre au Mexique s’était bornée à quelques bons offices : je ne puis croire qu’elle ait porté un réel ombrage au patriotisme le plus jaloux. Seulement tout prétexte était bon pour tenter de renverser le ministère : on se saisit de celui-là, n’en ayant pas d’autre sous la main. « Ne croyez point, écrivait avec un juste orgueil l’amiral Baudin, ceux qui vous diront qu’il y a eu de l’influence anglaise dans la libéralité des conditions accordées au Mexique. Le rôle de M. Packenham a été des plus simples : M. Packenham s’est appliqué à calmer l’exaltation des Mexicains ; jamais il ne s’est entremis pour obtenir de moi la moindre concession en leur faveur : je ne le lui aurais pas permis. »

On peut croire ici l’amiral sur parole : Anglais, Américains,