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s’embosser à côté des frégates portant en batterie du calibre de 30, pourrait-on songer à mettre en ligne cette petite corvette, qui, à l’exception de deux obusiers, ne possède pour tout armement que des caronades ? « Le prince, a écrit l’amiral le 15 octobre, manœuvre la Créole avec une promptitude et une précision qui feraient honneur à un capitaine consommé. » S’il sait manœuvrer, le prince aura l’occasion de le faire voir : il ne lui est pas interdit de circuler entre les récifs.


VI

L’ancre de la Néréide venait de toucher le fond ; midi n’avait pas encore sonné : un canot se détache de terre et amène le long du bord deux officiers. Ces officiers sont des parlementaires. Que le gouvernement mexicain mette de côté ses atermoiemens, qu’il accepte franchement et sans réserve les conditions de la France, le canon restera muet : convenons cependant que la réponse du congrès, cette réponse apportée avec tant d’ostentation à la dernière minute du délai fixé, aurait pu arriver un peu plus tôt. N’importe ! l’essentiel est que la réponse attendue soit claire et catégorique. L’amiral en étudie soigneusement les termes, cherche à l’interpréter dans le sens le plus favorable ; à deux heures, son parti est pris : « J’ai perdu, écrit-il au général Rincon, commandant supérieur de la province et de la ville de Vera-Cruz, tout espoir d’obtenir par des voies pacifiques l’honorable accommodement que j’avais été chargé de proposer au cabinet mexicain : je me trouve dans la nécessité de commencer les hostilités. » Un peu avant deux heures et demie, les parlementaires sont congédiés. A peine l’amiral les voit-il à bonne distance, qu’il fait le signal d’ouvrir le feu. Laissons-lui maintenant la parole : personne ne saurait mieux raconter cette journée si glorieuse pour les armes françaises.

« Jamais feu, écrit-il au ministre, ne fut plus vil et mieux dirigé : je n’eus d’autre soin que d’en modérer l’ardeur. De temps à autre je faisais le signal de cesser le feu pour laisser dissiper le nuage d’épaisse fumée qui nous dérobait la vue de la forteresse : on rectifiait alors les pointages et le feu recommençait avec une vivacité nouvelle. Vers trois heures et demie, la corvette la Créole parut à la voile, contournant le récif de la Gallega, du côté du nord. Elle demandait par signal la permission de rallier les frégates d’attaque et de prendre part au combat. J’accordai cette permission. Le prince vint alors passer entre la frégate la Gloire et le récif de la Lavandera. Il se maintint dans cette position jusqu’au coucher du soleil, combinant