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notre sol se sont volontairement, de leur plein gré, exposés à toutes les conséquences d’un tel état de choses ; ils n’ont point le droit de se plaindre de les avoir subies. S’il fallait les indemniser, le trésor mexicain n’y suffirait pas. »

Ne pouvant réussir à faire écouter ses réclamations, le gouvernement français prit le parti de rompre : le blocus des côtes du Mexique fut déclaré en 1837. En deux mois le trésor mexicain se vit privé de 10 millions de francs que lui auraient payés, sous forme de droits de douane, les navires arrêtés par la croisière française. La République perdait ainsi sa principale source de revenus : le pays ne s’en montra pas ému outre mesure. Deux frégates et deux bricks se trouvaient alors réunis dans les eaux de Vera-Cruz, sous les ordres du capitaine de vaisseau Bazoche, montant la frégate de soixante canons l’Herminie, Le ministre de France, le baron Deffaudis, crut devoir, le 23 mai 1838, exposer au commandant Bazoche la situation telle qu’il l’envisageait après un essai de blocus suffisamment prolongé pour qu’on pût en mesurer les effets. « La question politique, lui écrivait-il, de savoir si une attaque victorieuse de votre division, sur la forteresse d’Ulloa, ne serait pas plus favorable qu’un simple blocus à la terminaison de nos différends avec le Mexique, aussi bien qu’à la sécurité de nos nationaux résidant encore dans ce pays, me semble devoir se résoudre définitivement par l’affirmative. Permettez-moi donc, monsieur le commandant, de vous poser la nouvelle question toute militaire qui se présente ici à résoudre… L’attaque de Saint-Jean-d’Ulloa devant avoir de très grands avantages, si elle réussit promptement, mais pouvant avoir des inconvéniens plus grands si le succès est trop retardé et, surtout, si elle échoue, croyez-vous avoir des certitudes suffisantes d’un prompt succès ? Je dis des certitudes suffisantes et non des chances suffisantes. Si le prompt succès de l’attaque n’était pas aussi certain que peut l’être une entreprise de ce genre, il vaudrait mieux nous abstenir. »

Tout était prêt, le plan d’attaque dressé. « Maîtres d’Ulloa, assuraient les partisans d’une action immédiate, nous dominerions tout le littoral à vingt lieues de profondeur ; les habitans nous répondraient, tête pour tête, de la vie et de la liberté de nos concitoyens. » Ce sont là de jeunes et présomptueuses confiances : un chef digne de ce nom ne les accueille pas sans mûres réflexions, dût-on lui reprocher « de fondre tout à coup dans la main des hommes de cœur, à vues élevées, à résolutions fortes, à intelligence supérieure, » qui se sont donné la mission de l’inspirer. Le commandant Bazoche convoqua sur-le-champ, en conseil de guerre, le capitaine de l » Iphigénie, M. Parseval-Deschènes, les capitaines du