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exercé par les consuls des trois puissances signataires d’une convention (1879) : l’Angleterre, l’Allemagne et les États-Unis. Par un autre traité conclu la même année, le roi reconnaît la juridiction exclusive du haut commissaire britannique relativement aux sujets anglais qui résident dans cet Archipel. Ce qui distingue la municipalité d’Apia des settlement de Chine, c’est qu’ici l’administration, on peut dire le gouvernement, est exercé en commun par les consuls des trois puissances, tandis que, en Chine, par exemple à Shanghaï, les établissemens des Anglais, des Français, et des Américains sont complètement séparés. Notons tout de suite que le règne des triumvirs d’Apia est un succès. C’est peut-être, dans des proportions fort restreintes, il est vrai, le premier exemple d’une solution du problème difficile et délicat d’une administration gérée en commun par les représentans de différens états. Reste à savoir si ce résultat est dû à la vertu intrinsèque de la constitution municipale ou au bon sens et à l’esprit de conciliation des consuls. Le mécanisme est des plus simples et des plus économes : un magistrat et six hommes de police sont placés sous la direction et sous la surveillance directe du magistrat. Lui et les agens de police sont des hommes de couleur. Cependant ils ne rencontrent aucune difficulté à faire respecter leur autorité par les blancs[1].

Dès qu’on franchit les très étroites limites de la municipalité, on se trouve dans le royaume de Melietoa. La constitution de ses états est purement patriarcale. Les chefs de famille seuls exercent des droits politiques. Ils sont ou chefs, alii, ou gens du commun, tulafale. Il y a parmi eux un petit nombre de personnages qui, grâce à leur richesse relative et à un prestige traditionnel, sont appelés

  1. Le magistrat touche 15 livres sterling par an, les policemen 20, 25 et 35 dollars par mois. Le revenu annuel de la municipalité monte à 5,000 dollars et se compose du rendement de l’impôt foncier, des licences, des frais de pilotage, des amender, etc. La municipalité, comme il a été dit, sert au roi sa rente viagère de 20 dollars mensuels et paie, à raison de 10 dollars par mois, le traitement d’un magistrat chargé d’assister, sans pouvoir judiciaire et plutôt comme témoin, aux procès entre indigènes et blancs. La population de la municipalité forme un total de 383 âmes dont 165 blancs et 218 demi-sang. La population blanche, hommes, femmes et enfans se décompose ainsi qu’il suit : Allemands, 75 ; Anglais, 41 ; Américains, 23 ; Suisses et Hollandais, 13 ; Français, 11 ; Scandinaves, 2. La population non-samoënne en dehors de la municipalité se monte à environ 200 personnes dont 75 blancs. Les autres sont des half-caste, ou des gens de couleur. La population blanche se compose de 23 Allemands, 39 Anglais, 4 Américains, 4 Scandinaves et 5 Français. Les Allemands sont inspecteurs et employés dans les plantations allemandes ou traders. Parmi les Anglais, il y a 13 missionnaires avec leurs familles. Le reste se compose presque uniquement de traders ; c’est à cette dernière profession qu’appartiennent les 4 Américains. Les 5 Français sont des missionnaires. Tous les traders anglais, américains, scandinaves trafiquent pour les deux maisons allemandes. Ces informations ont été prises sur les lieux.