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Il en précise les moindres élémens, physiques ou moraux : climat, nature du sol, genre de civilisation, esprit philosophique ou religieux. De cet ensemble, une fois connu, des siècles et des peuples analysés avec minutie, il dégage l’idéal artistique qui leur fut propre. Il le déduit, comme la conclusion d’un raisonnement ou la solution nécessaire d’un problème. Si la sculpture grecque, si l’architecture gothique, si la peinture italienne ou hollandaise ont été ce que nous savons, ce que M. Taine surtout sait merveilleusement, c’est que, selon lui, elles ne pouvaient être autrement. Elles ont été cela, parce que les Grecs allaient nus, parce que le moyen âge était triste, parce que l’Italie de la renaissance se plaisait aux fêtes et aux cavalcades, et parce que les Pays-Bas sont un terrain d’alluvion. Nous forçons la note exprès pour la rendre plus sensible.

M. Taine, le premier, l’a un peu forcée. A vrai dire, il est tentant de chercher les raisons de l’art et du génie, d’en chercher les lois ; mais la beauté ne livre pas, et surtout n’impose pas les siennes comme la vérité. Qui dira jamais avec la même assurance : Ceci est beau, et ceci est vrai ? Notre admiration la plus émue n’a pas, hélas ! une assise aussi ferme que la plus indifférente de nos convictions, et l’histoire, qui parfois confirme les systèmes préconçus, les contredit souvent. Entre l’art et le milieu dans lequel il se développe, il y a, sans doute, une corrélation, mais non pas ce rapport nécessaire et constant qui caractérise la loi. Des artistes suivent leur siècle, mais d’autres le mènent ou le devancent, d’autres l’étonnent. Comment expliquer par le milieu la renaissance soudaine de l’antiquité dans le siècle le moins antique, et ce double rayon de la Grèce qui brilla tout à coup sur les fronts de Gluck et d’André Chénier ? L’esprit souffle où il veut, et le génie même a ses hasards.

Nous ne prétendons pas toutefois isoler la musique du milieu contemporain, encore moins les mettre en contradiction. Nous nous réservons seulement de ne pas les lier d’une chaîne qu’on ne puisse rompra ou relâcher.

L’esprit et le sentiment furent les deux maîtres du XVIIIe siècle, et l’opéra-comique les servit tous deux. Dans la Servante maîtresse, l’esprit domine, mais sous une forme encore un peu rustique. Le rôle de Zerbine a plus de rondeur que de grâce, sauf dans le bel air qu’elle chante à son maître, au moment où elle feint de le quitter. Cet air, avec le récitatif qui le précède, est un modèle. Voilà le grand style italien, voilà ce que Rousseau avait raison d’admirer. La mélodie est aussi pure que l’expression juste. La largeur n’exclut ni la finesse, ni la malice, et, de cette partition, dont l’influence fut considérable, c’est là peut-être le morceau capital. Grétry put y trouver la facture de son Tableau parlant.

Ce petit acte, encore à demi italien, valut à son auteur le nom