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regret, la médiation répondait à ses tendances; elle lui avait permis, sous l'émotion de Sadowa, de donner le change à l'opinion et de pallier ses mécomptes.

Il était nécessaire d'insister sur cette faute et de la mettre en relief. Elle a été la cause, — on le verra dans le cours de ce récit, — d'incessans et d'irritans débats entre le gouvernement français et le gouvernement prussien ; elle a permis à M. de Bismarck d'exciter les passions germaniques et de s'en prévaloir pour nous éconduire lorsque notre diplomatie lui reprochait ses infractions à un traité que l'Autriche seule avait signé.

Mais, à ce moment, le chancelier était l'hôte des Tuileries, et il aurait eu mauvaise grâce de s'indigner de notre sollicitude pour le Danemark et la ligne du Main. Il se plaisait, au contraire, à la tenir pour légitime ; il était venu à Paris pour affirmer des dispositions amicales, pour nous réconcilier avec ses procédés et non pour nous laisser des inquiétudes sur ses projets et des doutes sur la fidèle exécution de ses promesses. Il ne niait pas que les articles 4 et 5 du traité de Prague ne fussent notre œuvre ; c'est sous notre pression qu'il s'était engagé à rétrocéder à la cour de Copenhague les districts danois du Schleswig septentrional et à laisser les états du Midi former entre eux une confédération indépendante. Aussi nous annonçait-il que déjà des instructions conçues dans un esprit conciliant étaient parties pour Copenhague, et que bientôt la question danoise serait réglée au gré de nos vœux; mais la création d'un parlement douanier, bien qu'il dépensât beaucoup d'éloquence pour en atténuer la portée politique, révélait un parti-pris de s'opposer à une confédération des états du Midi.

En ajoutant un nouveau rouage à son système représentatif déjà si compliqué, la Prusse entendait évidemment lui faire jouer un rôle dans l'œuvre de l'unification allemande[1]. Une assemblée issue du suffrage universel, composée de députés du Nord et du Midi, quelque restreintes et spéciales que fussent ses attributions, pouvait aisément prendre au moindre incident, fortuit ou provoqué, un caractère politique.

  1. Le pouvoir législatif était au Nord de l'Allemagne composé de cinq corps : 1° dans chaque état, des chambres constitutionnelles élues au suffrage restreint; 2° un parlement national, élu au suffrage universel, privé du vote et du contrôle des principaux impôts et des grandes dépenses de la Confédération; 3° un conseil fédéral composé des plénipotentiaires des différens états, placé comme une chambre haute, au-dessus du parlement, armé du droit de rejeter les vœux de la représentation populaire; 4° un parlement national douanier, votant les tarifs et les impôts indirects; 5° un conseil fédéral douanier.