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pour les bateaux moyens un avant-port abrité du vent et du flot du large. Du reste, le canal d’accès tout entier, qui a 150 mètres de largeur et dont les bords sont protégés par des jetées, un canal auxiliaire qui le joint à l’arroyo Santiago en arrière de la barre et l’arroyo Santiago lui-même forment autant d’avant-ports très sûrs et assez vastes pour empêcher, quelle que soit l’affluence des navires, tout encombrement. Ce canal d’accès a une longueur de 5 kilomètres, dont 3 où il y a peu à faire pour le mettre de niveau avec les fonds de 21 pieds en basses eaux, profondeur qu'il présente uniformément ainsi que le bassin. Les navires du plus fort tonnage qui fréquentent ces mers pourront faire leurs opérations à quai. C’est là, pour le commerce et pour la plupart des branches de production de la province, une véritable révolution.

Il en résultera une économie de 5 francs par tonne, au bas mot, pour la mise à bord ou la mise à terre des denrées. On se fera une idée de l’allégement que cela représente sur l’ensemble des transactions si l’on songe que le mouvement d’importation et d’exportation total de Buenos-Ayres a été, en 1883, de 6 millions de tonnes. Pourtant ce n’est point là encore la considération la plus frappante. Toute suppression de frais improductifs est favorable sans doute au développement des affaires ; mais ce qui est plus décisif, c’est que le port rendra possibles une foule d’exploitations qui, maintenant, ne le sont point. Un abaissement de 5 francs par tonne dans le prix du charbon, par exemple, permet d’appliquer la vapeur à des usages où elle serait aujourd'hui ruineuse, et donne un coup de fouet à l’activité des usines où on l’emploie. Il n’en faut pas davantage pour que les environs du port se garnissent promptement de ces hautes cheminées qui font le désespoir des peintres et le bonheur des économistes. Cette plaine marécageuse est, d’ailleurs, si peu avenante que les peintres seront forcés de convenir que, même au point de vue plastique, elle n’a rien à perdre à ce changement. C’est particulièrement l’agriculture dont la face sera renouvelée par des installations qui permettent le transbordement direct des céréales du wagon qui les apporte de l’intérieur à la cale du navire qui doit les emporter en Europe. On ne peut estimer dans ces conditions à moins de 10 francs par tonne la diminution du prix de transport et d’embarquement. Cela ouvre aux produits argentins, dans toute la zone desservie par les chemins de fer, la porte des marchés étrangers. Cette surtaxe était comme le loquet qui la leur tenait fermée.

M. Waldorp ne s’en est pas tenu là. Après les grands transatlantiques, il s’est occupé du cabotage, et si la nécessité de remblayer son marais et de tirer à cet effet des terres d’où il pouvait a été pour quelque chose dans cette sollicitude, il n’est pas moins incontestable