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allemands un souci plus marqué de leur indépendance. Il lui revenait qu'ils se plaignaient de ses exigences et cherchaient à se soustraire à une pression parfois humiliante. C’étaient d’inquiétans symptômes pour une politique ombrageuse, bien que les velléités d’émancipation ne se fussent traduites encore qu'en paroles, et fort discrètement, sous le manteau de la cheminée. M. de Bismarck faisait semblant de ne rien entendre, il laissait aux princes alliés ou confédérés l’innocente satisfaction de se faire illusion sur leur situation et de paraître à la cour des Tuileries avec le prestige que donne la souveraineté lorsqu'elle est indépendante[1].

La reine cependant ne put s’empêcher de remarquer que le roi de Wurtemberg, qui se trouvait à Paris en même temps qu'elle, recevait d’un air dégagé et triomphant les attentions dont on le comblait : « Vous êtes donc venu à Paris, lui dit-elle sur un ton plaisant, pour comploter et fomenter des coalitions contre nous? » Le roi protesta, tout en se redressant, heureux sans doute qu'on pût le croire encore en état de nouer des alliances. » c’est égal,

  1. Dépêche d’Allemagne. Juillet 1867. — « On ne saurait être trop circonspect en caractérisant la politique des cours du Midi, si tant est qu'elles aient une ligne de conduite nettement tracée. Leurs tendances étaient déjà bien difficiles à définir du temps de la diète, elles variaient selon le cours momentané de leurs passions et de leurs intérêts. La tâche s’est compliquée encore pour notre diplomatie depuis qu'elles ont été forcées d’aliéner malgré elles, entre les mains de la Prusse, leur liberté d’action et de se rendre solidaires de ses résolutions. Elles n’ont plus en effet les points d’appui si commodes qu'elles trouvaient à Vienne et à Francfort ; elles ne sont plus en nombre suffisant pour se coaliser utilement, comme elles le faisaient si volontiers sous l’inspiration de M. de Beust et de M. de Pfordten ; et elles ne sont pas encore arrivées, il s’en faut de beaucoup, à oser publiquement tourner leurs regards vers la France, bien qu'au fond du cœur elles suivent avec une certaine satisfaction le développement que prennent nos arméniens.
    « Toutefois, on ne saurait le méconnaître, leur condition s’est sensiblement améliorée dans ces derniers mois. Elles se sont émancipées quelque peu de la pression que le cabinet de Berlin exerçait sur elles; elles commencent à discuter au lieu d'obéir aveuglément. L’opinion publique, qui s’est manifestée si énergiquement dans tout le Midi, devait réagir forcément sur l’attitude des gouvernans. M. de Varnbühler et le prince de Hohenlohe ont compris, en temps opportun, qu'ils compromettaient leur popularité et leurs portefeuilles en sacrifiant trop ouvertement à la Prusse. Ils ont déclaré, pour tranquilliser l’opinion, qu'ils n’avaient nullement l’intention d’entrer avec armes et bagages dans la Confédération du Nord, et ils ont cherché une formule qui permît au Sud de se grouper et de s’organiser militairement pour constituer ensuite, dans des conditions plus avantageuses, le lien national avec le Nord, prévu par le traité de Prague. Mais la Prusse n’a aucun intérêt à laisser le Midi sortir de sa situation précaire pour former une union militaire distincte qui conduirait fatalement à une confédération des états du Midi, avec laquelle on aurait à compter plus sérieusement qu'avec des gouvernemens isolés, divisés. Les ministres actuels peuvent bien être personnellement de bonne foi et offrir toute sécurité au cabinet de Berlin; mais, au-dessus d’eux, se trouvent des cours jalouses, et, derrière eux, des partis passionnés, impatiens de secouer le joug et peu soucieux d’exécuter des engagemens contractés sous l’empire de la nécessité. »