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À Papasly, une jolie mosquée domine des huttes en roseaux, qui paraissent moins confortables que celles de l’Afrique centrale. Yéni-Mahalé, beau village enseveli sous les arbres : encore une grande école toute neuve, et une caserne, neuve aussi, pour la gendarmerie. Partout on laboure avec des bœufs qui sont moins grands que dans la Bulgarie septentrionale, mais plus charnus. Les chevaux sont rares ; on en fait venir de Hongrie, et ils reviennent à 700 ou 800 francs, ce qui paraît énorme en ce pays de bon marché. Pourquoi ne pas en élever sur place ? j’oublie le fisc. Sur le pâturage communal paît le troupeau du village. Nous sommes le 20 juin et on coupe déjà le seigle avec une petite faucille à la main, comme au temps de Booz. Hasskeui-Kajadyk : encore un beau bâtiment d’école qui sert en même temps de lieu de réunion pour le conseil municipal. Je n’entrevois aucune église chrétienne ; on les dissimulait autrefois, et depuis l’émancipation, on s’occupe surtout de répandre l’instruction ; cela me confirme dans l’opinion que les rivalités et les haines existent ici entre les races, plutôt qu’entre les cultes. Il n’y a ni ferveur de la part des Grecs ou des Bulgares, ni intolérance de la part des Turcs. La question religieuse n’est qu’une arme de guerre dans les luttes ethniques. Je ne vois nulle part de jachère nue ; tout le terrain est en culture. On bine le maïs à la charrue ; c’est sans doute pour un grand propriétaire ; car déjà on rencontre ici quelques vastes domaines de 1,000 à 4,000 deunums appartenant à des Turcs ; ils sont exploités en faire-valoir ou à mi-fruit. Ces latifundia deviennent plus nombreux à mesure qu’on approche de la capitale.

Vers Tirnova, les hauteurs se rapprochent et des deux côtés resserrent la Maritza, dont le courant cependant reste lent, car pour faire tourner les moulins à farine placés sur la rivière, on la coupe par des barrages obliques en clayonnage, qui amènent plus d’eau dans les roues. À Tirnova, se détache un tronçon de chemin de fer de 105 kilomètres, qui se termine à Jamboli, au pied des Balkans.

Hermanly : petit village dominé par une belle école neuve à deux étages et par une mosquée dont le minaret effilé recouvert de fer-blanc étincelle au soleil. À Mustafa-Pacha, nous franchissons la Maritza sur un grand pont en fer, pour entrer dans le vilayet d’Andrinople, c’est-à-dire en Turquie. Andrinople est une ville tout à fait orientale, avec des rues pleines de passans à costume pittoresque et des ruelles bordées de boutiques ouvertes, où s’exercent tous les petits métiers à la vue du public. Mosquée splendide à quatre minarets, précédée d’une vaste cour, où campent des soldats en guenilles. La mosquée est tout l’Orient, parce que l’islamisme repose tout entier sur la foi. Devant le palais du gouverneur, qui semble menacer ruine, se pavanent quelques officiers supérieurs, dont l’uniforme