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elles écoutaient, elles avaient tout compris ou tout deviné. Dieu nous garde de prendre parti entre deux maisons rivales dont on nous dit beaucoup de bien et qui rendent l’une et l’autre de grands services ! Nous croyons savoir toutefois que le lycée Fénelon était encore en voie de création quand M. Wychgram le visita, qu'il compte aujourd'hui plus de 300 élèves et que tout y marche à souhait. Et pourtant nous inclinons à croire que M. Wychgram n’a pas tort, que la théorie comme l’expérience sont favorables à sa thèse. Vous aurez beau éveiller dans une jeune fille toutes les ambitions de l’esprit, le ferment qui fera lever la pâte sera toujours le désir de plaire, et il y a une honnête coquetterie dont il est bien permis de se servir pour graver plus profondément dans sa mémoire le grand nom de Descartes ou la théorie des équivalens.

M. Wychgram s’étonne du goût excessif que nous avons pour les concours et pour les prix. « Les mauvais naturels, disait Mme de Maintenon, se rendent aux châtimens, les médiocres aux récompenses, les excellens à l’envie d’exceller dans ce qu'on leur demande. » On ne punit pas trop chez nous, mais on récompense avec trop de zèle et trop de profusion ; il arrive même quelquefois que, méritans ou imméritans, on récompense tout le monde; c’est une façon comme une autre de ne distinguer personne. « Pourquoi donnez-vous des prix à tous vos élèves, même aux cancres? disions-nous un jour au maire d’une commune rurale. — Pour ne pas nous faire des ennemis mortels, » répondit-il. Mieux vaudrait, en pareil cas, transformer la distribution en loterie. Les moins favorisés ne pourraient s’en prendre qu'au hasard, qui joue un grand rôle dans les affaires humaines et qui s’inquiète peu de se faire des ennemis. M. Wychgram nous reproche encore de multiplier comme à plaisir nos diplômes, nos brevets, nos certificats d’aptitude. Il a cru trouver quelque confusion dans cette diversité, il a eu peine à s’y reconnaître. Il approuve les examens, pourvu que l’examinateur ne soit ni pédant ni pointilleux. Il remarque à ce propos qu'en Allemagne on tient compte des études particulières des candidats, qu'on vise moins à constater qu'ils savent beaucoup qu'à s’assurer qu'ils savent bien ce qu'ils ont appris ; qu'en France, au contraire, on les condamne à être également ferrés sur toutes les parties du programme. Il en résulte que les esprits médiocres, qui n'ont. de goût déterminé pour rien, ont souvent l’avantage sur les bons esprits, qui ont fait leur choix de bonne heure. Les programmes, comme les examens, sont fort nécessaires ; mais, quelqu'un l’a dit, on commence par la nécessité, on finit par l’abus. Quelques qualités qu'aient les Chinois, laissons-leur les chinoiseries.

M. Wychgram fait grand cas de l’École normale d’enseignement secondaire dirigée par Mme Jules Favre ; mais il estime que cet établissement,