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des murailles, en s’écriant : « Encore quarante jours, et Ninive aura vécu ! »

Un professeur allemand, M. Wychgram, homme d’expérience et de sens rassis, a éprouvé le désir de voir, de juger par ses propres yeux ce qui s’est fait en France dans ces dernières années pour l’éducation et l’instruction des jeunes filles. Il a visité quelques-unes de nos écoles primaires et de nos écoles normales, nos établissemens d’enseignement secondaire tels que le collège Sévigné et le lycée Fénelon ; il s’est rendu à Sèvres et à Fontenay-aux-Roses ; il a assisté à des leçons, à des conférences, il a causé avec les directrices et avec les professeurs, il a examiné les devoirs, les livres et les cahiers, et il vient de résumer ses observations dans un volume in-octavo, destiné à renseigner ses compatriotes, à leur signaler celles de nos réformes» qui lui paraissent dignes d’être imitées, ceux de nos travers dont il est bon de se garder. Il a pris pour épigraphe ce mot d’un maître dans les choses d« l’esprit, M. Jules Simon : « Le peuple qui a les meilleures écoles est le premier peuple; s’il ne l’est pas aujourd'hui, il le sera demain[1]. »

M. Wychgram a apporté dans son enquête une curiosité très attentive et cette conscience germanique qui ne se contente pas à demi, qui ne s’arrête pas aux surfaces, qui creuse, qui fouille pour s’assurer si le fond des choses répond aux apparences et à la beauté souvent décevante des dehors et des promesses. Nous avons trouvé en lui un juge aussi compétent qu'impartial et libre de toute prévention. Il respecte notre passé, il croit à notre avenir, il nous rend justice sans nous flatter. Il n’admire pas sans réserve tout ce que nous faisons, il critique sur plus d’un point nos coutumes scolaires et nos programmes; mais somme toute il a été frappé de ce qu'il a vu, et il lui en coûte peu de le dire. Il estime a que depuis 1871 les Français ont fait un pénible et courageux retour sur eux-mêmes, qu'ils ont recherché sans ménagement leurs défauts et les moyens de les corriger, que l’enseignement sévère et viril que nous donnons aujourd'hui à la jeunesse de nos écoles primaires est propre à modifier heureusement l’esprit de la nation, à la guérir de ses préjugés et des dangereuses fatuités qui ont causé ses malheurs. » Il déclare aussi qu'en ce qui concerne l'enseignement secondaire ou supérieur des jeunes filles, la France, qui s’était laissé devancer par plus d’un peuple, a fait un vigoureux effort pour rattraper le temps perdu, et que ses voisins peuvent lui envier quelques-unes de ses récentes fondations, dont la prospérité semble désormais assurée.

  1. Das weibliche Unterrichtswesen in Frankreich, von Dr. J. Wychgram, Oberlehrer an der städischen höheren Mädchenschule zu Leipzig. Leipzig, 1886; Georg Reichardt.