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de la Turquie d’Europe sont les Slaves, les Grecs et les Albanais, Les Slaves, composés des Serbes, des Herzégoviniens et des Bulgares, formeront une confédération indépendante. Les Albanais, consultés par le suffrage universel, se réuniront aux Slaves ou aux Grecs. Les Grecs, étouffant dans le cercle où les a resserrés la diplomatie, auront l’Épire et la Thessalie jusqu'à Salonique. A partir de Salonique, en suivant une ligne diagonale coupant les Balkans et descendant à travers la Dobroutcha jusqu'au Danube, on a un territoire habité en majeure partie par les Osmanlis. Ce territoire restera à la Turquie et formera autour de Constantinople une large province ayant comme les autres un caractère d’homogénéité. Cette confédération greco-slavo-turque prendra le nom de confédération des Balkans. » Que pense aujourd'hui la Turquie de cette solution qu'il y a vingt ans elle devait tenir pour chimérique et singulièrement impertinente ? A la fin de 1886, après la conférence et après la guerre, celle-là certaine et celle-ci possible, — on sait que les conférences et les guerres sont également dangereuses pour la Porte, — la Turquie amputée de la Roumélie, peut-être de l'Épire, de la Basse-Macédoine et de la Crète, aura-t-elle beaucoup plus de territoire que ne lui en concédait la solution orientale proposée en 1867?

La prochaine conférence sera appelée à entendre les réclamations des Grecs. Les plénipotentiaires les rejetteront-ils? L’Europe voudra-t-elle se de juger en repoussant cette demande d’une ligne frontière qu'elle-même, au congrès de Berlin, a assignée à la Grèce? La Turquie se prêtera-t-elle à une nouvelle cession de territoire? s’il en est autrement, la guerre paraît inévitable; et les premiers coups de feu tirés, jusqu'où iront les revendications helléniques ? Dès ce moment tout détiendra du fait accompli. Or, le fait accompli, cette nouvelle loi de politique internationale qui s'impose désormais à tous les congrès, qui hier encore a fait échouer la conférence de Constantinople, peut-on dire ce qu'il sera dans un -mois, dans six semaines, au printemps prochain? Si les troupes grecques, aidées par la levée de boucliers de l’Epire, de la Thessalie et de la Macédoine, occupent Janina ou Salonique, si une révolution a éclaté en Crète et a réduit les Turcs à se réfugier dans la citadelle de la Canée, si une escadre grecque a abordé à Chio, si quelque autre île de la mer Egée s’est soulevée, — avec l’état de guerre toutes les éventualités sont possibles, — les puissances médiatrices pourront-elles y laisser rentrer les Turcs, encore que sur d'autres points ils aient été victorieux? L’axiome Beati possidentes s'impose d’autant plus contre les Ottomans, que si où sont les Turcs, c’est l’incurie et la misère, où rentrent les Turcs, c’est la