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le passif de la Grèce. Si le développement agricole, industriel et commercial a enrichi le pays, l’état se trouve néanmoins dans une situation économique difficile. Il s’en faut que les recettes suffisent aux dépenses et que les budgets s’équilibrent. Le grand mouvement d’affaires s’est arrêté en Grèce comme il s’est arrêté en France et presque partout en Europe. Action et réaction, vaches grasses et vaches maigres, c’est la loi fatale. Aujourd'hui, où la crise économique ne sévit-elle pas? En Grèce, la crise s’est compliquée de ceci, que le pays est dans une période de transition. Il se transforme, et cette transformation, trop brusque peut-être, ne peut s’opérer sans embarras. Les dépenses que fait le gouvernement pour les routes et les autres travaux sont nécessaires, et comme elles servent à fonder la fortune publique, elles rendront un jour à l’état le double de ce qu'elles lui auront coûté. En attendant, l’état n’en doit pas moins faire face aux dépenses, qui ont doublé, avec des recettes qui, si accrues qu'elles soient, n’ont pas cependant augmenté dans les mêmes proportions. Les impôts existans ont donné une énorme plus-value, mais les impôts nouvellement établis n’ont pas rendu tout ce qu'on en attendait. Sur ce point, le ministère Trikoupis a éprouvé bien des mécomptes. Il n’y a pas lieu de s’en étonner, car relativement à la contribution foncière, M. Trikoupis avait entrepris une refonte totale de l’impôt. Il frappait d’un côté et il dégrevait de l’autre. Or, s’il pouvait calculer à une drachme près le déficit que produiraient les dégrèvemens, il ne pouvait évaluer que très approximativement les sommes que donneraient les taxes nouvelles. Pour les droits mis sur le tabac, les alcools, 'es allumettes, ces sortes d’impôts ne rendent jamais, les premières années, autant qu'ils le devraient normalement. Avant que les taxes soient votées, les marchands et même les particuliers font des provisions qui leur permettent d’y échapper pendant un certain temps. Au début, l’organisation même de la perception présente mille difficultés. Il en a été de la Thessalie comme de l’ancien royaume. On comptait sur de grandes recettes, on les a faites; mais les frais nécessités par la réorganisation administrative et fiscale du pays et par des travaux publics se sont élevés plus haut qu'on ne s’y attendait, d’autant que les Turcs avaient à demi ruiné la contrée, brûlant les forêts, cessant d’entretenir les routes, vendant à vil prix les domaines de l’état, laissant renaître le banditisme[1].

Par suite des difficultés économiques, le ministère Trikoupis est tombé sous un vote de la chambre. Sans doute, en effet, le président

  1. Aujourd'hui les Turcs agissent de même en Macédoine. c’est fort malheureux pour les populations, mais c’est peut-être de bon augure pour les Grecs.