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bien distingué ! » Le surlendemain matin, Joseph se trouva à toutes les fontaines ; on dansait à la principale ; il fut très aimable avec tout le monde, mais, enfin, après avoir salué la compagnie et embrassé Henri, il partit à dix heures du matin pour Bruxelles, d’où il s’est rendu depuis pour huit jours à Versailles. »

Grimm, qui avait assisté, en 1745, au couronnement de l’empereur François Ier, trouva le moyen d’être présent à celui de Léopold, en 1790. Il se rendit de Bourbonne à Francfort et y passa deux mois près du comte Nicolas Romanzof, l’un de ses meilleurs amis, et, de plus, au milieu des honneurs auxquels il était si sensible. Le duc de Saxe-Gotha avait profité de la présence de Grimm à Francfort pour l’accréditer, à titre extraordinaire, auprès de l’empereur, ce qui procura à notre courtisan une audience particulière d'une demi-heure. Il fut, en outre, présenté au roi de Naples, « grand chasseur devant le Seigneur, dit-il, et qui s’occupe aussi, dans ses courses, de la multiplication de l’espèce. » Ayant un nombre considérable d’enfans naturels, il avait marié les mères et avait fondé pour ces ménages, près de Caserte, une colonie appelée Santo Leucio. Il s’intéressait beaucoup à cet établissement, pour lequel il avait lui-même composé et publié « l’institution, la législation et même le catéchisme politique. » Grimm s’empressa d’envoyer à Catherine un exemplaire de cette remarquable production.

Avec toute son affection pour son correspondant, Catherine connaissait ses faibles et ne se faisait aucun scrupule d’en rire. Elle lui donnait fréquemment du « Monsieur le baron, » non sans quelque envie d’ajouter : « baron de Thunder-Ten-Tronck ! » Elle raillait ses engouemens : « Je suis bien aise de savoir la cause de votre silence, car bonnement je croyais que mon crédit chez vous clignotait, et que quelque prince d’Allemagne m’avait expulsée de votre souvenir. Vu la passion que je vous connais pour eux, je me disais en moi-même : Il est à la piste de quelque génie rare comme nous lui en avons vu. » Et dans une autre occasion : « Il y avait longtemps que je savais que vous n’étiez jamais plus heureux que quand vous étiez auprès, proche, à côté, par devant ou par derrière quelque altesse d’Allemagne, et Dieu sait où vous savez les déterrer et d'où vous en vient continuellement des pluies fécondes. » Beaucoup plus tard encore et en pleine révolution : « cher souffre-douleur, tu es toujours engoué de tous les princes d’Allemagne! » Catherine, elle, ne partageait pas du tout cette inclination.

Le nom de Mme d'Epinay ne revient pas très souvent dans la correspondance qui nous occupe. Grimm envoie cependant à la tsarine et lui vante les Conversations d’Emilie, ce livre dont Galiani disait qu'il y a bien des choses et qu'il faut y lire aussi le blanc. La santé