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une imitation, dans ce qu’elle avait d’essentiel, des météorites du type commun, avec production d’un silicate de magnésie et de protoxyde de fer, ayant exactement la constitution du péridot.

Chaque jour, d’ailleurs, une opération métallurgique des plus connues, la décarburation de la fonte, c’est-à-dire sa transformation en fer malléable ou en acier, donne une réaction analogue et aboutit à un résultat du même genre. Quel que soit le procédé employé, que l’affinage de la fonte ait lieu dans de petits foyers au charbon de bois, comme on le pratiquait dès l’antiquité, qu’il s’exécute dans des fours couverts dits à puddler, où enfin qu’il se réalise sans addition d’aucun combustible, par le procédé si ingénieux de Bessemer, c’est toujours l’oxygène de l’air qui brûle non-seulement le carbone, mais aussi le silicium de la fonte et une partie du fer. La scorie noire qui se produit alors contient souvent un péridot à base de fer, ayant la même constitution chimique et la même forme cristalline que le péridot magnésien des roches éruptives terrestres et des météorites.

La simple oxydation du silicium développe une quantité de chaleur énorme, bien plus encore que la combustion du carbone ; dans les cornues qui servent à l’élaboration de l’acier et du fer, elle suffit même pour opérer l’affinage du métal, sans aucune addition de charbon. Le silicium, qui, dans la nature, est, aujourd’hui complètement passé à l’état d’acide silicique, c’est-à-dire brûlé, partout où nous pouvons l’observer, a aussi dû être originairement, au moment où il s’est combiné à l’oxygène, la cause d’un échauffement intense, dans notre globe comme dans les autres astres également formés de silicates. Toutefois, dans ces derniers, dont les météorites sont des fragmens, la température n’était probablement pas aussi élevée que dans les ateliers métallurgiques et les expériences précitées. En effet, il est extrêmement remarquable que, malgré leur grande tendance à cristallisation nette, les combinaisons silicatées qui constituent les météorites y soient seulement à l’état de cristaux très petits et tout à fait confus, comme s’ils n’avaient pas passé par la fusion. S’il était permis de chercher quelque analogie autour de nous, nous dirions qu’au lieu de rappeler les longues aiguilles de glace que l’eau liquide forme en se congelant, la texture à grains fins des météorites ressemble à celle du givre et à celle de la neige, due, comme on le sait, au passage immédiat de la vapeur d’eau atmosphérique à l’état solide.

En résumé, l’extrême tendance de l’espèce péridot à se former lors des oxydations du silicium, dont nos laboratoires et nos usines nous donnent à chaque instant la preuve, s’est manifestée avec non moins d’évidence, d’une part dans les roches profondes de notre