Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/913

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’exemple, Descartes, continuant à transporter la mathématique dans des régions entièrement nouvelles, osait le premier considérer tous les phénomènes célestes comme de simples déductions de la mécanique, « Je montre, dit-il, comment la plus grande partie de ce chaos devait, en vertu de ces lois, se disposer et s’arranger d’une certaine façon qui le rendait semblable à nos cieux ; comment quelques-unes de ses parties devaient composer une terre, et quelques-unes des comètes, et quelques autres un soleil et des étoiles fixes. » Ainsi que l’a dit Laplace, c’était substituer aux qualités occultes des péripatéticiens les idées intelligibles de mouvement, d’impulsion et de force centrifuge.

Une des plus hautes conceptions dues au génie de Descartes touche particulièrement au sujet qui nous occupe : c’est que tous les corps de l’univers sont de semblable nature. « il n’est pas malaisé, dit-il, d’inférer de tout ceci que la terre et les cieux sont faits d’une même matière. » Cette dernière pensée, dont nous pouvons apprécier la profondeur en nous reportant aux notions superficielles qui régnaient de son temps, a trouvé une confirmation aussi complète que possible dans les découvertes modernes. L’analyse spectrale, appliquée au soleil et aux étoiles, a révélé dans ces astres les caractères de divers corps semblables à ceux que nous connaissons dans notre globe.

Mais il est des faits que cette analyse ne peut nous apprendre et que nous dévoile l’étude des météorites. Non-seulement les recherches chimiques les plus approfondies n’y ont fait découvrir aucun élément étranger à notre planète, mais trois corps, le fer, le silicium et l’oxygène, y prédominent, comme dans les roches terrestres. Quant au magnésium, si abondant dans les débris cosmiques, il ne paraît pas l’être moins dans les profondeurs de ces roches. La ressemblance s’étend jusqu’aux diverses sortes de combinaisons dans lesquelles ces élémens sont engagés, c’est-à-dire à leur mode de constitution ; de part et d’autre se trouvent des espèces minéralogiques identiques, possédant les mêmes angles et les mêmes laces dans leurs cristaux, et souvent associées entre elles de la même manière.

Tandis que l’harmonie du plan de l’univers se manifeste par l’unité des lois de la mécanique et de la physique qui en gouvernent les parties les plus reculées, son unité de composition reçoit une éclatante confirmation par ces innombrables débris errans, qui viennent apporter sur notre planète des échantillons des astres dont ils ont été détachés. Aujourd’hui resplendit de plus en plus clairement l’unité qui règne dans la constitution matérielle des mondes. Quel hommage ne mérite pas l’homme qui, parmi nous,