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centrale populaire. Cet établissement n’a pas été fondé (comme l’avait été sous l’empire certaine caisse d’escompte des associations ouvrières) en vue de venir exclusivement en aide aux sociétés coopératives. C’est une institution financière comme tant d’autres et quelques-unes des affaires qu’elle commandite ou poursuit, telles, par exemple, que l’entreprise du chemin de fer transsaharien, n’ont rien de populaire, ni surtout de central. Mais fort habilement, — et j’ajoute fort légitimement, — elle a cherché dans des avarices faites aux sociétés coopératives un moyen d’étendre sa clientèle et elle procède d’une façon beaucoup plus judicieuse que la défunte caisse d’escompte, de philanthropique mémoire. Au lieu d’avancer sur leur unique dénomination des sommes considérables à des sociétés qui n’ont point fait leurs preuves, elle ouvre à celles qui justifient d’une commande importante un crédit proportionnel à cette commande, et, en même temps, elle les excite à souscrire un certain nombre d’actions de la Caisse centrale populaire et à y verser leurs épargnes. Sans doute, elle ne fait point de cette application nouvelle du crédit mutuel une condition de ses avances ; mais elle y met une telle insistance que quelques-uns des administrateurs de sociétés coopératives dont la commission d’enquête extra parlementaire a reçu les dépositions s’y sont, à ce qu’il paraît, trompés. Il faut convenir, en effet, que si le directeur de la Caisse centrale populaire tenait d’une main un paquet de billets de banque qu’il offrait de leur prêter et de l’autre une liasse d’actions qu’il les engageait à souscrire, il devait leur être assez difficile d’accepter les uns et de refuser les autres. Quoi qu’il en soit de ce petit fait, ces différentes causes réunies ont singulièrement favorisé, depuis trois ou quatre ans, l’essor des sociétés coopératives, et l’on ne saurait imaginer de circonstances plus favorables pour rechercher ce qu’il en faut attendre.

D’après les documens les plus récens, il existait à Paris (je ne parle pas de la province, où le mouvement est presque nul) 74 sociétés coopératives de production. Sur ce nombre, 4 dataient de 1848 ou 1849, 6 des dernières années de l’empire, 4 des premières années de la république. Les autres, c’est-à-dire en tout 60, étaient nées du dernier mouvement. Ces diverses sociétés comptaient un nombre d’adhérens très inégal. L’une d’entre elles, l’Imprimerie nouvelle, n’en avait pas recruté moins de 1,348. D’autres allaient jusqu’à 250 (menuisiers), 191 (bâtiment), 183 (charpentiers), 160 bijoutiers en doublé). En revanche, un grand nombre ne comptent que 10,9, et descendent même jusqu’à 5 associés. Au total, les sociétés coopératives ne comptent pas plus de 4,930 associés. Si le nombre de ces sociétés peut paraître, au premier abord, assez élevé, le chiffre de leurs adhérens est donc, en réalité, très restreint par