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parodie Auguste comme Virgile, et il est le type de cette royauté d’imitation grossièrement plaquée d’or antique.

Heureusement ces rois n’étaient pas assez bons chrétiens pour devenir des hérétiques. Ils avaient naïvement attaché leur fortune à celle de l’église. Ils faisaient de leur orthodoxie une sorte de dignité. Les plus barbares d’entre eux, de vrais brigands, parlent de l’intérêt du catholicisme, profectus catholicorum. » Ils proscrivent le paganisme par leurs lois : ils excluent de l’état ceux qui sont exclus de l’église : « Quiconque ne voudra pas obéir à son évêque, dit un décret de Childehert, sera chassé de notre palais et ses biens seront donné à ses successeurs légitimes. » Voilà qui achève de montrer que l’église mérovingienne est une institution d’état.

Il n’est pas étonnant que la tradition romaine se soit ici conservée, quand elle s’est perdue si rapidement pour le reste. Le reste, administration savante, jurisprudence, arts, lettres, c’était le passé ; il était enseveli sous la ruine de la civilisation ancienne. Mais l’église, qui survivait à cette ruine et que les barbares trouvaient partout présente et puissante, continuait avec les rois les habitudes qu’elle avait prises avec les empereurs. Elle y trouvait son profit des honneurs, des privilèges, l’appui du bras séculier. Après avoir professé dans ses premiers jours, quand elle était encore toute remplie de l’esprit du nouveau Testament, l’indifférence à l’égard du pouvoir, elle avait senti le prix du concours qu’il lui prêtait. Elle avait respecté la pleine puissance impériale ; elle l’avait ensuite communiquée, pour ainsi dire, aux rois barbares. Église et royauté trône et autel, comme on dira plus tard, inaugurèrent alors cette alliance intime qui devait persister pendant des siècles et qui dure encore entre leurs débris.


V

Le roi mérovingien a joué le personnage germanique mieux que le romain, et certains actes dont les suites furent considérables, n’étaient que les effets d’habitudes anciennes auxquelles il demeura fidèle.

Les quatre fils de Clovis se partagent sa succession. Ils croient faire la chose du monde la plus naturelle, et nous ne voyons pas qu’ils aient étonné personne. Comme il n’y avait pas de droit d’aînesse dans les familles royales, tous les princes apportaient en naissant l’aptitude à régner, et lorsque la coutume de l’élection se fut perdue, les fils d’un roi succédèrent ensemble à leur père. Les francs, bien qu’ils eussent sous les yeux l’indivisible monarchie impériale, se représentèrent la royauté, non comme une magistrature