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empruntées aux deux régions marquées tout à l’heure, et confondant les pays et les génies les plus divers, le Nord et le Midi, l’Occident et l’Orient, dominera un jour et mettra en valeur l’univers moderne, plus vaste, plus varié, plus riche que cet univers antique auquel l’orgueil des Humains avait donné le nom des orbis Romanus.

Les Francs firent d’abord de rapides conquêtes en Germanie. Clovis avait soumis le pays des Alamans ; son fils aîné, Thierri, s’empara de la Thuringe par les moyens qu’employaient d’ordinaire les Mérovingiens, c’est-à-dire par la combinaison de la force, de la ruse et du crime. Les Saxons, qui l’avaient aidé, devinrent les tributaires des rois francs, dont les ducs bavarois reconnurent à leur tour la suprématie. La seule Frise garda l’antique indépendance. Maîtres du paye presque entier, les Francs furent bientôt attaqués par les envahisseurs de l’Est. Sigebert combattit aux bords de l’Elbe les Avares. La première fois qu’ils se trouvèrent en présence des Asiatiques, les Francs furent tout déconcertés ; car ces barbares, dit Grégoire de Tours, « disposaient de ruses magiques ; ils montrèrent aux Francs des fantasmagories et les mirent en pleine déroute. » Sigebert fait prisonnier, dut payer rançon au gaghanus. Ses successeurs eurent plusieurs fois affaire avec ces étranges ennemis, au temps de Dagobert, toute la barbarie orientale entre en mouvement. Des bulgares, chassés par les Avares, pénètrent en Bavière, demandent un asile et des champs à cultiver : Dagobert les fait mettre à mort. Pour se défendre contre ces mêmes Avares, des tribus slaves acclament roi un marchand franc, nommé Samo, qui était en expédition dans leur contrée. Cet aventurier, vigoureux personnage, qui eut de ses douze femmes vingt-deux fils et quinze filles, fonda un grand royaume dont le centre était la Bohême. Dagobert envoya contre lui des années qui furent repoussées ; mais, du moins, les Francs réussirent à couvrir la Germanie.

Restait à savoir s’ils pourraient asseoir définitivement leur conquête et si la Germanie, après avoir reçu de ses maîtres des mœurs et une religion nouvelles, serait capable de les propager à son tour parmi les peuples qui habitaient l’orient de la future Europe. Or il arriva qu’au milieu du VIIe siècle, après la mort de Dagobert, la royauté mérovingienne entra dans une grande crise où ses forces se perdirent. Pendant que la Gaule se brise en fractions ennemies les unes des autres, les Saxons refusent le tribut ; la Thuringe, la Bavière, L’Allemannie se détachent de l’empire mérovingien. Le combat est suspendu aux frontières de l’Est, Les Slaves reprennent leur marche en avant et envoient des essaims jusqu’aux bords du Rhin. Tout est remis en question, et il semble qu’après les Wisigoths, les Ostrogoths et les Burgondes, les Francs vont échouer dans la tentative qu’ils ont faite de fonder sur les ruines de