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Une telle ressemblance avec le maître est d’un élève : or M. Coppée, sans occuper l’héritage de Hugo, est maître à son tour dans sa province. Qu’il veille donc, sans nulle relâche de fierté, sur son originalité personnelle : après Severo Torelli, après les Jacobites, il en a le devoir, car il en a le droit.

Il a dédié son œuvre, en même temps qu’à M. Porel, à Mlle Weber, qui joue le rôle de Marie : c’est un trait de bonne grâce, de modestie et de justice. Mlle Weber sort du Conservatoire : envers celle-là Dieu merci, Paris n’aura pas à rougir d’une erreur pareille à celle qui repaie, après plusieurs années, envers Mme Rose Caron. Il l’a fêtée, dès le premier soir, comme une prochaine Rachel. Au moins a-t-elle une voix agréablement timbrée, — quoiqu’il y en ait de plus riches et de plus délicieuses, — une diction juste et variée, un visage intéressant, une mimique, même alors qu’elle pèche par inexpérience, intelligente et nette. Mais surtout elle frémit d’une ardeur sincère, elle se donne toute, à tous momens, à son rôle, tant qu’elle est en scène, avec elle ou par elle, le drame existe ; si elle doit se taire, si un autre personnage s’abandonne à quelque monologue lyrique, son geste, sa physionomie établit un dialogue. Elle a, parait-il, vingt ans à peine, elle n’est restée que six mois à l’école ; pourvu qu’elle ne se gâte pas, nous ne demandons qu’à la gâter.

M. Paul Mounet déclame de la belle façon le rôle d’Angus. M. Chelles n’a pas les agrémens personnels, le son de voix aristocratique les manières élégantes qu’il fallait au prince : il le joue, comme il peut avec intelligence et chaleur. M. Albert Lambert représente simplement lord Fingall ; il ne manque ni de dignité ni de tendresse Mlle Méa pour son début, aurait pu être plus heureuse que dans le personnage de Dora ; et Mlle Lainé, pour l’emploi de petit paysan idiot à l’Odéon ne vaut pas Mlle Yahne, entrevue naguère dans l’Arlésienne… Mais la pièce, quelle que soit là dessus la superstition populaire, n’avait pas besoin d’innocent pour être heureuse : le poète y avait pourvu.


Louis GANDERAX.


P.-S. — Sur la foi d’un journal, j’ai déploré, la quinzaine dernière que le principal théâtre de Genève, à peine quelque cent ans après a mort de Voltaire, eût fermé ses portes. Qui donc a défini le journalisme : « l’art d’émettre de fausses nouvelles pour solliciter les vraies ? » Voici un document à l’appui de sa thèse. Le directeur du Grand-Théâtre de Genève nous écrit que sa maison n’a jamais été close et que la troupe qui l’occupe a conquis son public… — « Dors-tu content Voltaire ? » — L. G.