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LE
VOYAGE DANS LE GUZERATE

Depuis que les Anglais sont devenus les maîtres de l’Inde, leurs voyageurs et leurs touristes l’ont parcourue dans tous les sens, ils nous ont promenés avec eux dans ce vaste empire, et nous leur devons de mieux connaître non-seulement ses montagnes, ses vallées, ses forêts et ses mines, mais ses industries, ses institutions, ses antiquités, ses temples, ses bayadères, ses éléphans et ses dieux. Cependant, quelque abondans et curieux que soient leurs récits, il y manque le plus souvent quelque chose ; le paysage y tient beaucoup de place, les tableaux d’intérieur y sont rares. Jusqu’aujourd’hui, on ne s’est guère mis en peine de nous initier aux mystères, aux dedans d’un ménage hindou, de trous expliquer ce qui s’y passe, les règles de conduite qu’on y observe, l’usage qu’on y fait de sa vie et de son cœur. Les habitans de l’Inde, ceux du moins qui parlent quelque dialecte hindoustani, appartiennent comme nous à la grande race aryenne, ils sont de notre famille, nous avons de communes origines, nous nous retrouvons dans leur antique histoire et dans leurs traditions, les systèmes de philosophie qu’ils ont hérités de leurs pères ressemblent beaucoup aux nôtres, et il est impossible de lire Sakontala sans penser à Shakspeare. Il semble qu’il soit plus facile à un Anglais de déchiffrer un cœur hindou qu’un cœur chinois, et pourtant nous sommes beaucoup mieux renseignés sur la façon dont les riverains du fleuve Jaune entendent la vie que sur l’esprit et l’économie domestique des habitans de la vallée du Gange.

Un Anglais qui voyage dans l’Inde a beaucoup de peine à y satisfaire toutes ses curiosités. Quand il aborde certains sujets, quelque pressant