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Et tirant du fourreau Tizona bien trempée,
Ayant baisé la garde ainsi qu’un crucifix.
Il tendit à l’enfant la haute et lourde épée.

— Prends-la. Sache en user aussi bien que je fis.
Que ton pied soit solide et que la main soit prompte.
Mon honneur est perdu. Rends-le-moi. Va, mon fils.

Une heure après, Ruy Diaz avait tué le Comte.


LA REVANCHE DE DIEGO LAYNEZ.


Sienta a yantar, el mi fijo
Do estoy a ma cabecera,
Que quien tal cabeza trae
Sera en mi casa cabeza
(Romancero del Cid.)


Ce soir, seul au haut bout, car il n’a pas d’égaux,
Diego Laynez, plus pâle aux lueurs de la cire,
S’est assis pour souper avec ses hidalgos.

Ses fils, ses trois aînés, sont là ; mais le vieux sire
En son cœur angoissé, songe au plus jeune. Hélas !
Il n’est point revenu. Le Comte a dû l’occire.

Le vin rit dans l’argent des brocs ; le coutelas
Dégainé, l’écuyer, ayant troussé sa manche,
Laisse échauffer le vin et refroidir les plats.

Car le maître et seigneur n’a pas dit : — Que l’on tranche ! —
Depuis eue dans sa chaise il est venu s’asseoir,
Doux longs ruisseaux de pleurs mouillent sa barbe blanche.