Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/666

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était dépourvu de jugement et de tact politique, ce prince, disons-nous, alla jusqu’à décréter la suppression pour toute la durée de son règne des droits de douane perçus jusqu’alors dans tout le royaume, sans songer que ces droits étaient la source la plus claire des revenus de l’état, et que leur abolition devait avoir pour résultat inévitable de paralyser le fonctionnement de tous les services.

La faveur spéciale dont jouissait M. Lambert près du souverain le désigna naturellement au choix de celui-ci, pour notifier son avènement aux puissances européennes, et pour s’entendre avec le gouvernement français sur les bases d’un traité d’amitié et de commerce, A son arrivée en France, l’envoyé de Radama, qui avait été, avant son départ de Madagascar, investi du titre de Duc d’Emyrne, à l’effet de relever son prestige près des puissances européennes, adressa, le 7 avril 1862, à tous les ambassadeurs et ministres accrédités à Paris, une circulaire par laquelle il les informait de l’avènement au trône de Radama II, et de la mission qu’il avait reçue de faire savoir que le royaume de Madagascar était ouvert au commerce de toutes les nations, et que l’ordre avait été donné aux gouverneurs des différentes provinces de protéger, en toutes circonstances, les personnes et les biens des étrangers qui voudraient se fixer dans le pays, ou y faire le négoce. La mission de M. Lambert eut un plein succès, et le capitaine de vaisseau Dupré, commandant la station navale de la mer des Indes, fut désigné pour négocier la convention commerciale sollicitée par Radama II. Ces négociations aboutirent à un traité qui fut conclu à Tananarive le 12 septembre 1862, et ratifié par l’empereur des Français le 11 avril suivant. Ce traité fut signé par le commandant Dupré, pour la France, et par trois des ministres de Radama II ; il fut également signé par ce prince, qui voulut absolument, contrairement à l’usage, y apposer son nom, pour lui donner ainsi une ratification anticipée. Dans le préambule de cet acte, le souverain des Hovas est qualifié de roi de Madagascar, sous la réserve des droits de la France.

Mais l’envoyé de Radama avait encore une mission plus délicate à remplir en France : celle de se procurer les ressources financières nécessaires pour la mise en valeur des concessions énumérées dans la charte souscrite à son profit personnel. Sur ce point encore, le gouvernement impérial lui donna toute satisfaction, et une société anonyme fut constituée sous les auspices du gouvernement, sous le titre de Société de colonisation de Madagascar, afin de mieux marquer l’empreinte gouvernementale sur cette nouvelle création, un gouverneur nommé par décret fut placé à la tête de la société.

Pendant ce temps, le mécontentement n’avait fait que croître à Madagascar, et les imprudentes concessions consenties par le roi