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facile. Ne voyant autour d’eux aucune autre protection à laquelle ils pussent avoir recours, ils résolurent de renouveler leurs sollicitations près de Seyd-Saïd, et lui envoyèrent quelques chefs chargés de poursuivre ces négociations ; quand, sur ces entrefaites, l’apparition inopinée dans les eaux de Nossi-Bé d’un brick de guerre français vint donner une direction différente aux idées et aux espérances des Sakalaves.

Le capitaine de vaisseau de Hell, nommé en 1838 gouverneur de l’île de la Réunion, avait été chargé par le gouvernement français d’étudier l’importante question de la formation d’un établissement maritime dans le nord de Madagascar. Le nouveau gouverneur, voulant tout d’abord se renseigner d’une manière positive sur la situation publique des peuplades de cette partie de l’île, avait confié au capitaine Passot, son aide-de-camp, la mission d’en visiter les points principaux : le brick le Colibri avait été mis à la disposition de cet officier, et c’est ainsi que ce bâtiment venait de se trouver conduit dans les eaux de Nossi-Bé.

Dans l’incertitude où ils étaient de l’accueil que ferait le sultan de Zanzibar à leur nouvelle demande de secours, les Sakalaves crurent devoir faire part au capitaine Passot de la situation critique dans laquelle ils se trouvaient, et le prièrent de faire connaître au gouverneur de l’île de la Réunion leur désir de se placer sous la protection du roi des Français. En s’adressant ainsi au représentant du gouvernement français, les Sakalaves obéissaient-ils à un sentiment raisonné de sympathie pour notre nation ? Il faudrait, pour le croire, se méprendre étrangement sur le caractère de ce peuple, dont l’étal social confinait à la sauvagerie, et qui, comme tous les peuples sauvages, n’agissait en toutes circonstances que sous l’impulsion du moment. Le nom même de la France lui était probablement resté jusqu’alors inconnu, les relations commerciales de notre pays étant alors à peu près nulles avec cette partie de l’île, qui n’était guère fréquentée que par des boutres arabes et quelques baleiniers américains. On peut donc supposer que, dans la détresse où ils se trouvaient, les Sakalaves eussent imploré avec le même empressement l’assistance de n’importe quelle autre puissance dont le pavillon leur serait apparu en ce moment. Du reste, malgré la demande faite au capitaine Passot, ils ne crurent pas devoir rompre avec le sultan de Zanzibar, et ils continuèrent à réclamer son intervention, se réservant d’accepter pour protecteur celui qui se révélerait à eux par une coopération vraiment efficace et une puissance affective.

Le capitaine Passot accueillit les ouvertures qui lui furent faites, et pour donner aux Sakalaves une preuve de l’intérêt qu’il prenait à leur sort, il se présenta avec le brick devant le poste de