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étude. Le crayon qui a servi de préparation au portrait du jeune roi Charles IX de la galerie d’Ambras est le type par excellence auquel on peut comparer les nombreux dessins qu’on est tenté de mettre au compte de Janet. Les portraits dessinés qui soutiennent cette comparaison peuvent être à bon droit regardés comme appartenant à François Clouet. Ils se reconnaissent, d’ailleurs, à quelques-unes des qualités qui distinguent ses peintures. Nous venons de dire de ces dernières qu’elles tiennent de très près à Holbein. On peut le dire plus encore peut-être des dessins. Dans les portraits dessinés de Janet, comme dans ceux de Holbein, on est frappé par l’attentive et forte observation de la nature, par la clarté de la forme, par l’évidence de la vérité et par la parfaite ressemblance. Ni François Clouet ni Holbein ne s’aventure dans le monde idéal, comme avait fait Léonard et comme fera Rembrandt. Jamais ces dessinateurs consciencieux ne voient rien d’incertain dans les traits ni d’ondoyant dans les formes. La nature est tout et suffit à tout pour eux. Elle est là sans cesse, qui les enseigne, les soutient, les retient. Ils s’attachent à ne s’en point distraire. Leur main en est esclave et leur œil en est plein. Les crayons de Holbein, cependant, ont de plus grandes allures que ceux de Janet, et, si on peut les comparer, on ne peut les confondre. Malgré les similitudes qui les rapprochent, il y a des différences notables qui les distinguent. L’accent n’est pas le même. Holbein est Allemand dans ses dessins, et François Clouet, dans les siens, par-dessus tout est Français.

À côté des crayons de François Clouet et en dehors de ceux de Holbein, il en est d’autres du même temps et très français aussi qui sont également l’œuvre de vrais maîtres. Ne pouvant nommer ces maîtres, on les a confondus sous le nom de Jehannet. La distinction est aisée à faire cependant. Rapprochez, par exemple, du portrait dessiné d’Elisabeth d’Autriche, au Cabinet des estampes, celui de Marie Touchet, un des plus délicieux crayons du XVIe siècle, vous reconnaîtrez là deux mains différentes, deux mains françaises, mais tout à fait distinctes. Le portrait d’Elisabeth d’Autriche est un dessin très poussé, scrupuleusement étudié jusque dans les moindres détails, dans un style dont la correction a quelque chose de naïf et de primitif encore. Le portrait de Marie Touchet, au contraire, est d’une facture presque moderne. Rien n’y rappelle plus, même de loin, les anciennes écoles. L’indication du costume est rudimentaire. La tête seule a préoccupé l’artiste, il a négligé tout le reste. Le trait n’a plus la rigueur et le respect de lui-même qu’il affecte chez Janet. L’estompe, dont le travail se dissimulait naguère, joue maintenant le principal rôle. La nature, ainsi interprétée, prend