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transformations successives cet art qui jaillit spontanément et avec toute sa force à deux pas de la Mer du Nord au commencement du XVe siècle, pour se répandre au siècle suivant sur le Rhin helvétique, et venir enfin sur les rives de la Loire et de la Seine en s’y épanouissant avec une physionomie nouvelle. Tout l’art d’Holbein est contenu dans l’art de Van Eyck. Pour s’en convaincre il suffit de rapprocher le portrait d’Anne de Clèves par Holbein de celui du donateur par Van Eyck. La langue pittoresque de Holbein est celle-là même que Van Eyck a créée de toutes pièces et fixée par d’impérissables chefs-d’œuvre. François Clouet est loin de parler cette forte langue avec la même énergie d’accentuation. C’est à Holbein surtout qu’il se rattache. Quant à ses origines flamandes c’est plutôt par Memling que par Van Eyck qu’il les rappelle. Janet et Memling, en présence de la nature et devant la femme surtout ont la même délicatesse de conscience. Elisabeth d’Autriche sous le pinceau de François Clouet, n’a-t-elle pas quelque chose de la suavité des saintes entrevues, près de cent ans auparavant par le peintre de l’hôpital Saint-Jean ? Tout en évoquant de pareils souvenirs, l’œuvre de Janet est essentiellement personnelle et vraiment française. François Clouet est Français par l’esprit par la clarté, par le style. Quand on le regarde à côté de ses illustres devanciers, quand on le compare à Van Eyck, à Memling à Holbein, on reconnaît qu’il n’est pas de premier rang, mais qu’il est de premier ordre. Ses portraits ne présentent ni l’énergie ni l’ampleur de ceux de Holbein, mais ils ont plus de limpidité et procurent avec plus d’évidence le sentiment délicieux d’une forme choisie dans la réalité du modèle vivant. François Clouet cherche avant tout la précision. Le vague est un de ces malaises de l’esprit dont il se préserve avec soin. On voit en lui un peintre d’une rare distinction, doué, non pas d’une imagination ardente mais d’un esprit solide, tempéré, contenu, qui ne s’élève ni ne descend outre mesure, ferme sans raideur, et précis sans sècheresse, cherchant partout l’exactitude et la trouvant sans tomber dans la minutie, n’abusant ni de la force ni de la finesse n’allant jamais au-delà du naturel et ne tombant jamais dans l’obscurité. Dans un temps comme le nôtre, où la peinture française a presque tout perdu de ses belles clartés, il est bon de regarder des portraits comme ceux de Charles IX et d’Elisabeth d’Autriche, où se retrouvent la délicatesse de notre race et la précision de notre esprit.

Les crayons de François Clouet ne sont pas moins intéressans que ses peintures ; et il importe également d’en marquer les caractères essentiels. Nous en avons cité plusieurs au cours de cette