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exquis dans de pareilles peintures, et ils sont en même temps si modestes, qu’on pourrait croire à quelque chose de naïf. Les têtes sont étudiées par un peintre qui est un physionomiste de premier ordre. Il est impossible, en les regardant, de se méprendre sur le caractère et les facultés mail russes du personnage représenté. Le dessin est d’une rigueur qui serait voisine de la sécheresse si les tempéramens les mieux ménagés n’en assouplissaient les contours. La couleur, très sobre et se tenant toujours dans un mode tempéré, semble intervenir surtout pour donner à la forme plus de précision. Les ombres, qui se distinguent à peine des parties claires, laissent la lumière partout répandue. Tout est, de plein jour dans ces portraits. On n’y voit rien de ces fluidités obscures où se perd l’apparence de la réalité. Rien ne s’atténue ne s’efface sous ce délicat pinceau. François Clouet ne connaît pas le clair-obscur. Il ne songe pas à noyer le contour réel dans un bain d’ombre. Le modelé ne cesse jamais d’être emprisonné dans un contour rigide ; il est si fin qu’il se fait à peine sentir, et si juste qu’il semble ne pouvoir s’accuser avec plus d’évidence. Les reliefs sont très peu voyans, et la sensation est délicieuse à ne les pas voir davantage. Les mains sont d’une recherche et d’une coquetterie surprenantes. Le soin est poussé jusqu’à ses dernières limites dans le rendu des moindres détails du costume : étoiles, dentelles broderies, perles et pierres précieuses, bijoux d’or émaillé, sont traités avec la plus scrupuleuse exactitude. Tout est aussi vrai que la vérité même. De pareilles peintures, cependant, ne sont faites que pour les délicats, et François Clouet a un genre de délicatesse qui n’appartient qu’à lui.

Les portraits de Charles IX, à la galerie du Belvédère et au Musée du Louvre, étant de François Clouet et la manière de ce maître se trouvant déterminée d’après ces portraits, les œuvres qui lui appartiennent en propre se distingueront désormais au milieu du bagage encombrant des copistes. C’est ainsi que nous ont apparu déjà les portraits du jeune Charles IX au musée d’Ambras, celui de François II, enfant, au musée d’Anvers, et celui d’Elisabeth d’Autriche au musée du Louvre, Nous en pourrions citer d’au très encore, et un plus grand nombre se révélera sans doute[1].

  1. L’ inventaire de Bailly de 1709 signale de grandes compositions qui feraient de François Clouet un véritable peintre d’histoire. Ces tableaux, dont les sujets appartenaient à la vie de Catherine de Médicis, se trouvaient dans le Cabinet doré du Luxembourg. On en a complètement perdu la trace. M. Waaaen attribue aussi à Janet le tableau de la collection de Castle-Howard, dans lequel Catherine de Médicis, Charles IX, Henri III et Marguerite de France sont représentés en grandeur naturelle. (Waagen, Künsler und Kunstwerke, t. II, p. 413)) Cette peinture ne mérite pas les honneurs d’une pareille attribution.