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lui est dû en le mettant à une pince d’honneur dans le salon carré du Musée du Louvre. Au milieu des plus grands maîtres des plus grandes écoles, François Clouet représente avec dignité ce qu’il y en de vraiment français en France dans le domaine de la peinture au temps des Valois.

Le portrait d’Elisabeth d’Autriche ne porte pas de signature, mais, nous l’avons dit, il est tellement semblable à l’œuvre unique au bas de laquelle en ait trouvé jusqu’ici le nom de Jehannet, qu’il faut, sans hésitation, l’attribuer à notre grand portraitiste. Nous avons donc là encore une peinture tout à fait authentique de François Clouet, une de ces œuvres maîtresses qui peuvent servir de type pour reconnaître, parmi les innombrables portraits attribués à Jehannet, ceux à qui cette attribution doit être conservée. C’est ici qu’il convient de serrer de près et de définir, s’il se peut, la manière de Franchi


V

La peinture de François Clouet est lisse et sans rien de heurté. La touche ne s’y fait pas sentir ; elle n’intervient que comme procédé de construction préparatoire et disparait sous un revêtement soigneusement poli. La surface est câline ; mais les dessous, où chaque coup de pinceau marque comme un effort de la pensée, n’en existent pas moins. Si l’on pouvait avoir des doutes à cet égard, la science interviendrait pour les faire cesser. Revenons vers le petit Charles IX au Musée du Louvre et considérons encore une fois, dans cette délicieuse miniature, la tête et les mains, dont la limpidité semble impénétrable. Mettons en regard une photographie de ce portrait, tirée sur un négatif dont on aura intentionnellement exagéré l’impressionnabilité au moyen d’un excès de bromure d’argent. Nous hésiterons à croire que cette photographie soit la reproduction du tableau, tant elle en dénature profondément L’apparence. C’est que l’inexorable lumière, arrachant le manque de placidité qui produit l’illusion, montre tout ce qu’il recouvre, et nous met aux prises avec un chaos fécond que nous ne soupçonnions pas. Si donc la peinture de Jehannet a quelque chose de la tranquillité de surface des plus beaux émaux, ce n’est là qu’un mirage ; quoique mince d’apparence, elle n’a rien de plat ; elle requise sur des dessous solidement établis, capables de porter l’organisme vital le mieux équilibré et de rendre en même temps L’être moral tout entier. Ne voyez-vous pas, dans ce portrait de Charles IX, ce qu’il y a de trouble sous la transparence de l’épidémie ? Ne sentez-vous pas, sous ce calme trompeur, gronder les passions frémissantes ? Le savoir est considérable et l’art est