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rendant grâces à Dieu de mourir jeune et sans enfant mâle, qui aurait nécessité une nouvelle régence, ce car la France, qui estoit tout ruynée par guerres civiles, avoit besoing d’un homme[1]. » Elle devait hélas ! attendre quinze ans encore avant de le trouver… En présence de cette mort, on crut au poison. L’autopsie démontra que c’était à tort. Le crime était tellement dans les mœurs, que l’idée n’en persista pas moins. Brantôme est même très explicite à ce sujet : « C’étoit de la poudre de corne d’un lièvre marin, qui faict languir longtemps la personne, et puis après peu s’en va et s’estainct comm’ une chandelle. » Ambroise Paré déclara que le roi mourait « pour avoir trop sonné de la trompe à la chasse du cerf. » Il fallait bien dire quelque chose. Charles IX avait été grand chasseur, mais il ne mourut pas de la chasse. La lame avait usé le fourreau. Le corps était épuisé depuis longtemps ; l’âme n’y pouvait tenir, elle s’envola.


IV

Le Musée du Louvre possède un portait d’Elisabeth d’Autriche, peint de la même main que le grand portrait de Charles IX au Belvédère et que le précieux petit portrait du même roi dans notre galerie nationale, et plus admirable encore que ces portraits. A côté de l’homme dont le nom est attaché à l’un des drames sanglans de l’histoire, on peut donc regarder la femme qui fit croire à la vertu dans un milieu d’où avaient disparu la crainte de Dieu et le respect des hommes.

Elisabeth d’Autriche, accordée à Charles IX par contrat du 14 janvier 1570 et mariée à Spire par procuration le 22 octobre suivant, vit le roi pour la première fois à Mézières le 26 novembre, fut couronnée à Reims par le cardinal de Lorraine le 26 mars 1571, et fit son entrée solennelle à Paris le 29 du même mois. C’était une reine de seize ans. Elle était née en 1554, de l’empereur Maximilien II et de Marie d’Autriche, fille de Charles-Quint. Catherine de Médicis, nous l’avons vu, s’était dès longtemps entendue sur ce mariage avec Maximilien, qu’elle avait choisi pour parrain de son fils, et il est probable, nous l’avons dit aussi, qu’en vue de cette future alliance, elle avait envoyé à Vienne le portrait de Charles IX peint par Janet en 1561. Le roi avait alors onze ans et la future reine en avait sept. Elisabeth d’Autriche ayant toujours en sous les yeux l’image de Charles IX, son esprit et son cœur, dès leur éveil, en avaient reçu l’impression et s’étaient développés sous l’influence

  1. Charles IX n’avait en d’Elisabeth d’Autriche qu’une fille, Marie-Élisabeth de France, née le 27 octobre 1572. Cette enfant mourut le 2 avril 1578.