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toute, beaucoup plus Médicis que Valois. Nul ne savait comme lui parler et plaire aux femmes. « Pas un de ses portraits n’est ressemblant, écrit un de ses contemporains. Janet lui-même n’a pu rendre l’expression de sa physionomie. Ses yeux, le pli gracieux de sa bouche ne peuvent se traduire, ni par le pinceau ni par la plume. » Les portraitistes, en effet, impuissans à rendre cette mobilité étrange et subtile de l’expression, n’ont laissé de cette âme scélérate que ce qu’il y avait en elle extérieurement de moins bien.

Il en est autrement pour le portrait de Marguerite de Valois. Rien de mystérieux dans cette princesse ; tout au contraire, un air d’enjouement et de franchise, et comme un besoin de se répandre au dehors. Catherine de Médicis, cependant, ne peut renier sa troisième fille. Ce sont bien ses propres traits qu’elle a donnés à cette enfant ; mais l’influence paternelle, sans en changer la forme, en a modifié l’expression. Les portraits d’Henri III viennent presque de nous présenter un Italien de la décadence ; ceux de Marguerite montrent une pure Française du temps des Valois. Ce que nous souhaiterions trouver avant tout, ce serait le portrait que Nicot, notre ambassadeur à Lisbonne, remit à don Sébastien quand il fut question d’une alliance avec le Portugal. Marguerite nous apparaîtrait alors dans l’épanouissement de sa dix-huitième année, à l’heure où son cœur, s’ouvrant pour la première fois à l’amour, était plein de l’image d’Henri de Guise. Qu’est devenu ce portrait ? On l’ignore, et nous n’en connaissons pas qui soit l’équivalent de celui-là. La jeune femme, heureusement, se livre à nous au Cabinet des estampes dans deux dessins que François Clouet ne désavouerait pas. — L’un de ces dessins représente Marguerite vers l’âge de vingt ans. Ses cheveux sont frisottés et relevés sur les tempes à la mode du temps. Son visage, de trois quarts à gauche, rappelle celui de sa mère : ses yeux sont de même forme que ceux de Catherine de Médicis, mais ils ont plus de douceur, de malice et d’ingénuité, plus de chaleur et de bonté surtout ; son nez est un peu fort ; sa bouche est railleuse et spirituelle ; son menton tend à se dérober. — L’autre crayon, non moins remarquable que le précédent, nous porte quelques années au-delà. La reine de Navarre, habillée d’un haut corsage bouillonné, est en buste et de trois quarts à gauche, toujours coiffée de légers frisons blonds relevés sur les tempes, avec des pierres précieuses répandues à profusion dans les cheveux. Là encore on retrouve les mêmes traits, avec un peu moins de jeunesse déjà, surtout avec moins d’enjouement et même avec quelque chose de grave qui confine à la tristesse. Marguerite peut avoir de vingt-trois à vingt-cinq ans. « Vous êtes née, ma fille, en un misérable temps, » lui disait Catherine de Médicis. Temps affreux, en effet, où la galanterie se faisait complice du crime. Élevée dans ce foyer de