Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/602

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

visage de Catherine était encore agréable ; mais l’embonpoint était venu, la taille était majestueuse et la poitrine opulente ; la jambe et la main étaient restées belles. Somme toute, le modèle devait avoir alors largement quarante-cinq ans. Ce ne sont là, d’ailleurs, que des preuves écrites, peu de chose en matière d’iconographie. Si elles méritent d’être rappelées, c’est parce qu’elles sont conformes au témoignage des dessinateurs. Les dessins de la Bibliothèque nationale en confirment l’exactitude. — Le portrait aux crayons de couleur qui nous reporte à la jeunesse de Catherine de Médicis n’offre malheureusement qu’une œuvre de seconde main. Il est néanmoins utile à consulter, vu l’accent de sincérité qui en émane… C’est surtout dans la période qui s’étend de 1560 à 1580 que les peintres, les émailleurs et les dessinateurs ont multiplié les portraits de Catherine de Médicis. — Parmi les crayons du Cabinet des estampes, il en est un qui surtout nous attire, d’abord parce qu’il est l’œuvre d’un véritable artiste, ensuite, parce qu’il représente la reine mère vers l’âge où nous l’a montrée Brantôme. Elle est de trois quarts à gauche et en costume de veuve. La tête, en s’alourdissant, a pris de la puissance et de l’autorité. Le visage, sans être beau, est agréable encore « et de grande majesté. » La reine se montre avec cette apparence de douceur qu’elle savait prendre « quand il le falloit. » Soit que la nature l’ait permis, soit que l’art ait aidé la nature, ses cheveux sont restés, sous le voile de veuve, à peu près ce qu’ils étaient sous le chaperon du temps de François Ier, un peu plus rares peut-être, mais teintés du même blond doré et frisés sur les tempes du même petit fer. Son front a pris un beau développement ; il est le siège de pensées ou plutôt d’obsessions profondes. Ses yeux, qui ont une fixité particulière, semblent voir avec pénétration ce qu’ils regardent. Son nez ne s’est pas alourdi autant qu’on aurait pu croire. Son menton, au-dessous duquel se dessine un double menton, est très fuyant. Sa bouche s’est agrandie et a pris une fermeté qu’elle n’avait pas jadis ; les plis en sont mobiles et spirituels, susceptibles d’enjouement à l’occasion, capables à l’ordinaire de sévérité, souvent de duplicité. « Quand elle appeloit quelqu’un mon amy, c’esioit qu’elle l’estimoit sot ou qu’elle estoit en colère. » Brantôme, si parfait courtisan, se trahit ici et la peint d’un mot. Dans ce portrait, Catherine de Médicis, que n’ont pas atteinte les déformations de la vieillesse, est encore en possession des traits saillans de sa physionomie. Elle a de quarante-cinq à cinquante ans. Le temps a effacé le fin modelé, les atténuations délicates au moyen desquelles la jeunesse pare d’illusions ce qu’elle touche et ne laisse entrevoir que le mirage de la réalité. L’ébauche première de la nature a reparu avec ce qu’elle a de vrai, d’inexorable et de heurté, et alors tous les