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se pouvant porter avec soi, un portrait fait exprès pour le cœur, fut sans doute à l’usage personnel de la jeune princesse qui allait devenir reine de France. Le contrat qui engageait les deux cours ayant été signé le 14 janvier 1570, ces deux portraits auraient fait partie des présens apportés à Vienne à cette occasion dans les derniers jours de 1569 ou dans les premiers jours de 1570. Dès lors, la présence du grand portrait de Charles IX dans la galerie impériale est aussi simplement expliquée que celle des joyaux d’origine française dans le trésor de la maison d’Autriche, et le nom de Janet figure au même titre dans le catalogue des tableaux du Belvédère que celui de Benvenuto Cellini dans la notice des joyaux du Schatzkammer[1]. Notez que les trois portraits de Charles IX (celui du Belvédère et celui du Louvre aussi bien que celui de la galerie d’Ambras) sont inscrits dans l’inventaire des tableaux du château d’Ambras dressé en 1719. L’archiduc Ferdinand, mort en 1595, l’amateur le plus illustre de la maison d’Autriche, ayant réuni dans son château du Tyrol les célèbres collections qui portent encore aujourd’hui le nom de ce château, il y a tout lieu de croire que, dès la fin du XVIe siècle, les trois portraits peints par Janet avaient pris place déjà dans ces collections. Ce qui est sûr, c’est qu’ils y restèrent jusqu’à J’époque de la translation à Vienne des richesses d’art réunies à Ambras. Le portrait de Charles IX à l’âge de onze ans fut alors attribué au musée qui devait garder et perpétuer le nom d’Ambras, tandis que les deux portraits du roi de France dans sa vingtième année entrèrent au Belvédère, d’où ils passèrent au Louvre en 1809. Le grand portrait seul revint à Vienne en 1815, nous l’avons vu, et le petit portrait demeura au Louvre. L’antique possession de ces peintures par la maison d’Autriche étant un fait acquis à l’histoire, nos suppositions ont pour elles toutes les apparences de la vérité. J’espère que bientôt viendra le jour où les archives impériales de Vienne transformeront en certitude ce que nous ne pouvons donner encore que comme probabilité.

Ces portraits, quelles qu’aient été leurs pérégrinations, nous livrent au vif une des figures les plus énigmatiques de l’histoire. Au point de vue de l’iconographie de Charles IX, ils sont les principaux témoins qu’il faille interroger. L’un montre un caractère en train de se former, les autres représentent un homme en possession déjà de sa physionomie définitive. À travers de telles images, cherchons quelque chose de l’âme, et, pour arriver plus sûrement jusqu’à elle, considérans aussi les âmes voisines de cette âme. Chemin faisant, nous retrouverons François Clouet.

  1. La fameuse salière de Benvenuto Cellini, que nous sommes loin, d’ailleurs, d’admirer comme une œuvre de haut goût, fit partie des cadeaux de noces envoyés par Charles IX à Maximilien II. On la voit encore dans le trésor impérial de Vienne.