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Voilà donc une œuvre de François Clouet que nous pouvons suivre dans toutes ses phases. Depuis le dessin familier jusqu’à la peinture, tout nous est connu de ce portrait.

Comment ces trois portraits de Charles IX sont-ils entrés dans la maison d’Autriche ? On n’a aucune donnée certaine à cet égard. Il est donc permis de faire des suppositions, et voici ce que j’imagine. On sait que, dès le XVe siècle, le portrait était d’usage comme moyen d’information dans les négociations de mariage. Il le fut davantage encore au XVIe siècle, et Catherine de Médicis ne manqua pas de l’employer pour l’établissement de ses enfans. Le portrait d’Elisabeth de France fut envoyé à don Carlos et celui de Marguerite de Valois à don Sébastien. La maison d’Autriche dut recevoir aussi celui du roi. Le mariage de Charles IX avec la fille de Maximilien II n’eut lieu qu’en 1570 ; mais, depuis bien des années déjà, Catherine de Médicis avait jeté son dévolu sur cette princesse et préparé par d’habiles manœuvres la réalisation de cette alliance. Souvent la politique mariait les rois dès leur berceau. Maximilien, n’étant encore que roi de Bohême, avait été choisi comme parrain de Charles IX et lui avait donné son nom avant de songer même à lui promettre sa fille. À l’âge de onze ans, Charles IX était bon à voir, et, les pourparlers se poursuivant entre les deux cours, il est probable que le portrait du jeune roi, peint par Janet en 1561, fut dès lors envoyé à Vienne. Retenez cette date de 1561, elle n’est pas indifférente. Né à Saint-Germain-en-Laye le 27 juin 1550, Charles-Maximilien, troisième fils d’Henri II et de Catherine de Médicis, a été duc d’Angoulême d’abord, puis duc d’Orléans. François II, son frère aîné, étant mort le 5 décembre 1560, il est devenu roi sous le nom de Charles IX, et a été sacré à Reims par le cardinal de Lorraine le 15 mai 1561, jour de l’Ascension. Voilà un événement qui fait époque, et à l’occasion duquel Catherine de Médicis sans doute aura envoyé à Maximilien II le portrait de son fils. Ce portrait, ayant ainsi passé dans la maison d’Autriche, se trouve encore comme chez lui dans les collections provenant du château d’Ambras[1]. Quant aux portraits de 1569 représentant Charles IX dans sa vingtième année, ils auraient été apportés à Vienne, presque au moment de la conclusion du mariage. Le grand portrait, le portrait officiel, celui au bas duquel le roi fit inscrire, à côté de son nom, le nom du plus célèbre portraitiste français de l’époque, fut vraisemblablement destiné à l’empereur. Le petit portrait, semblable au grand, mais d’un usage plus intime et plus délicat,

  1. La collection d’Ambras (Ambraser Sammlung), avait été formée, à la fin du XVIe siècle, par l’archiduc Ferdinand de Tyrol, dans le chateau d’Ambras ou d’Amras, près d’Inspruck. Elle a été transférée à Vienne en 1806.