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avaient assigné. C’est seulement sur les sommets que se rencontrent les rares artistes qui ont pu faire de très grandes peintures et de tout petits tableaux, en ne produisant que des chefs-d’œuvre. Janet ne se tient pas sur ces hauteurs. Il chemine modestement sur les pentes par lesquelles on y accède, et il y occupe une place qui est parmi les bonnes. Mais, à ce rang, on ne prend pas indifféremment toutes les tailles. S’il est dans les aptitudes de l’artiste de peindre grand, il ne peut faire petit sans s’amoindrir ; et s’il entre dans sa vocation d’être un petit maître, il ne peut faire grand sans paraître vide. François Clouet est parfait dans le cadre restreint qui est le sien. Dans un cadre plus vaste, il perd quelque chose du genre de perfection qui lui est propre. Il n’a pas les ressources suffisantes pour se hausser à volonté. Il est grand dans ses petits portraits et devient petit dans les grands. Le portrait de Charles IX en est la preuve. Presque en même temps que le grand tableau du Belvédère, Janet en peignit un autre tout petit et qu’on pourrait dire en tout semblable, tant les différences sont insignifiantes et difficiles à saisir. Ces deux portraits se trouvaient à Vienne, et tout porte à croire qu’ils y étaient arrivés, sinon ensemble, du moins à très peu de distance l’un de l’autre. Au commencement de notre siècle, la conquête les enleva tous les deux à l’Autriche et les plaça au musée du Louvre. Lors des revendications de 1815, on ne nous réclama que le grand. En conservant le petit, nous avons gardé la meilleure part. Cette petite peinture, en effet, est à tous égards un chef-d’œuvre. Tout l’intérêt de la grande s’y trouve concentré en un foyer dont l’optique est excellente. Rien ne s’y perd, tout y est à son point et avec sa juste valeur. Ce qu’il y avait d’un peu vide tout à l’heure est maintenant rempli. Les minuties qui nous refroidissaient se transforment en délicatesses qui réchauffent. Les broderies d’or accumulées sur le pourpoint et sur le manteau noir, ainsi que sur les rhingraves blanches, laissent des lacunes regrettables dans le tableau du Belvédère ; beaucoup plus sobres dans le tableau du Louvre, elles y sont d’une irréprochable justesse de proportions. La tête, dans le petit portrait, est un peu moins engoncée dans la collerette qu’elle ne l’est dans le grand ; le menton et les joues s’en dégagent complètement. La bouche a un accent plus ferme, les yeux ont plus de décision. Il y a plus de délicatesse et d’autorité dans le dessin, plus de limpidité et en même temps plus de solidité dans la couleur ; le modelé a plus de souplesse ; la peinture est plus lisse à la surface, avec des dessous plus énergiquement accusés. Le pinceau de François Clouet, son petit pinceau, celui qui est bien à lui et qui est vraiment grand, a prodigué à cette petite figure ses plus respectueuses caresses, sans lui rien ménager de la vérité. Les mains, que nous admirions dans le grand