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collège des cardinaux, ni l’empereur Charles-Quint, dont l’influence devait être prépondérante dans le futur conclave. Il avait, du reste, si mal joué ce double jeu que Catherine elle-même ne se fiait plus à lui. A peine le parlement était-il réuni qu’il fut traduit en justice, par ordre du roi, pour avoir exercé les fonctions de légat du pape en Angleterre contrairement à la loi. Il ne pouvait nier qu’il l’eût fait, pas plus que le roi, si quelqu’un avait été en situation de l’interroger, n’ont pu nier l’y avoir autorisé, bien plus, avoir sollicité cette dignité pour lui. Après l’avoir déclaré coupable, ses juges laissèrent à la sagesse du roi le soin de prononcer la peine dont il devait être frappé. C’était une sentence d’usage, et, le plus souvent, même avec un monarque plus clément, la mort s’ensuivait. Toutefois, la chute de Wolsey était pour ainsi dire le triomphe d’Anne de Boleyn. Personne douce et charitable, celle-ci déclara que son ennemi ne devait tomber que sur un lit de plume. Déclin de ses dignités, révoqué des fonctions civiles et ecclésiastiques qu’il occupait, il eut la liberté de se retirer dans l’une de ses terres. Quelques mois plus tard, compromis dans les intrigues de l’envoyé espagnol en faveur de Catherine, il fut arrêté pour être conduit à la tour de Londres et mourut en chemin, soit de dépit, soit de fatigue ou de maladie.

La chute de Wolsey ne suffit pas pour apaiser l’opinion publique. Un vent de réforme soufflait sur l’Angleterre, moins orageux que celui qui avait bouleversé l’Allemagne, assez fort néanmoins pour troubler tout le royaume. Les familles, les assemblées, l’église même se partageaient en deux camps : d’un côté, ceux qui respectaient la tradition ; de l’autre, ceux qui acceptaient les idées nouvelles. Il faut toujours que les partis s’incorporent en certaines personnes ; ici deux femmes personnifiaient ces tendances opposées, Catherine et Anne. L’affaire secrète du roi était devenue une affaire publique. Un seul fait permet d’apprécier à quel point la crise était devenue aiguë : les universités, siège de tout savoir et théâtre de toutes discussions, s’étaient prononcées en grande majorité en faveur de Henri VIII et d’Anne de Boleyn.

Toujours irrésolu, ou plutôt désireux peut-être de conserver, en suivant le cours de ses idées nouvelles, le titre de défenseur de la foi qu’un pape lui avait conféré, Henri VIII envoya d’autres ambassadeurs à Rome. Le premier fut le vicomte de Rochford, récemment créé comte de Wiltshire, le propre père d’Anne, que l’empereur fit congédier aussitôt comme trop intéressé au succès de la négociation. Puis vint Cranmer, qui s’y rendit, se croyant appelé à débattre une question de droit canon devant une assemblée de théologiens et qui revint bien vite après avoir constaté que l’épée de Charles-Quint posait plus que toutes les raisons devant les tribunaux du saint-siège. Un troisième n’eut pas plus de succès. Le roi