Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/406

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

an VI (19 mai 1798), une vingtaine de vaisseaux[1], montés par 2 à 3,000 hommes de troupes, se montraient tout à coup devant Ostende. L’amiral Popham, qui les commandait, avait pour instructions de faire sauter les écluses du canal de Bruges, « afin de détruire la navigation intérieure entre la Hollande et la Flandre, » puis de s’emparer, s’il le pouvait, de la ville, après l’avoir bombardée. L’entreprise, encore que téméraire, eut d’abord un plein succès : la flotte, qui avait mouillé vers une heure du matin, ne fut aperçue de la place qu’à quatre heures moins le quart, après avoir en le temps de jeter à terre presque tout le corps de débarquement « avec son artillerie, ses mineurs et ses pétards. » A six heures, le général Coote se mettait en mouvement sans être inquiété, et vers dis heures et demie, une forte explosion apprenait à l’amiral le succès du premier acte de ses opérations.

Cependant un duel très vif s’était engagé entre les vaisseaux les plus rapprochés de la place et celle-ci. Trois frégates et deux bombardes tiraient à boulets rouges sur le port et la ville. Muscar n’avait que 300 hommes de garnison pour faire face à l’ennemi, à l’incendie et aux habitans, les uns déjà fort ébranlés, les autres qui n’étaient même pas sûrs. N’importe ! il connaît son devoir, et lorsque le général Coote, très au courant de sa situation, le somme de se rendre, c’est dans les termes les plus énergiques qu’il lui répond. Le feu redouble alors ; et, déjà, sur plusieurs points, la ville brûlait quand un auxiliaire inattendu, le veut, devenu tout à coup très violent, se met de la partie. Aussitôt l’amiral est obligé de gagner le large avec tous ses vaisseaux avant d’avoir pu rembarquer son monde, et voilà nos Anglais pris comme à Quiberon, entre les forts et la mer démontée, sans une embarcation à portée. Sur ces entrefaites, la nuit était venue ; mais avec elle aussi quelques renforts avaient eu le temps d’arriver. Le commandant de Bruges, prévenu dès le matin, s’avançait avec 500 hommes, les garnisons de Nieuwport et de Gand étaient en route. De tous côtés, enfin, le cercle se rétrécissait autour des assiégeans devenus à leur tour assiégés. Mais il ne convenait pas à Muscar de laisser à d’autres l’honneur de les réduire ; dès la pointe du jour, il s’élance par la ville avec ses 300 hommes et, donnant la main à son collègue de Bruges, se jette à la baïonnette sur les retranchemens improvisés par les anglais dans les dunes et les enlève après un court combat. L’ennemi n’avait perdu qu’une soixantaine d’hommes dans ce choc et ses forces étaient encore très supérieures ; mais telle avait été la

  1. Vingt et un d’après le rapport officiel de l’amiral Popham, trente à quarante d’après les documens français. Il est probable que dans ce dernier chiffre figurent les cutters qui accompagnaient la flotte anglaise et lui servaient d’éclaireurs.