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succès ! Spire et Worms enlevés en moins de quinze jours, Mayence ouvrant à première sommation ses portes ; Francfort lui-même, la capitale politique et commerciale de l’Allemagne, tombant à son tour avec ses richesses entre nos mains ! Jamais la furia francesa n’avait accompli plus belles prouesses, jamais coup d’audace n’avait été couronné d’un plus facile et d’un plus brillant résultat. Danton pouvait être fier : c’était sa flamme qui brûlait, son souffle puissant qui avait passé dans la poitrine de l’ex-comte de Custine et qui, par une inspiration du génie révolutionnaire, l’avait ainsi, d’un bond, porté jusqu’au cœur de l’empire.

À l’aller, dans cette course rapide, Muscar n’eut pas trop l’occasion de se distinguer, l’ennemi fuyant toujours ou se dérobant, comme à Mayence, En revanche, au retour, il fut de ceux qui, dans le désordre d’une retraite précipitée, contribuèrent le plus efficacement à maintenir le calme et à sauver l’armée de la panique. Sa ferme contenance, son sang-froid, l’habitude qu’il avait du commandement, imposèrent à la troupe et l’empêchèrent plus d’une fois de se débander. Un tel service, en pareil moment, valait toutes les actions d’éclat, et Custine, en le récompensant par le grade supérieur, n’en paya pas trop le prix. Le 20 avril 1793, une lettre datée de Sarrebruck et signée du général en chef, apportait à Muscar, accompagnée des considérans les plus flatteurs, sa nomination à la place d’adjudant à l’état-major de l’armée, qu’il échangea presque aussitôt pour celle de commandant élu du 8e bataillon du Bas-Rhin.


IV

Le 8e du Bas-Rhin, composé tout entier de volontaires, était destiné pour la Vendée.

D’après l’état dressé par le commissaire des guerres, son effectif ne comptait que 421 sous-officiers et soldats et 30 officiers, formant huit compagnies de forces assez inégales. À l’état-major, 5 officiers seulement. C’était peu, mais dans le nombre figurait un excellent militaire, qui avait déjà fait ses preuves et sur qui Muscar pouvait se reposer en toute sécurité : Hugo (Brutus)[1], comme s’appelait alors le futur comte et général de l’empire. Le hasard avait en la main singulièrement heureuse en rapprochant ces deux hommes ; partis du même point, animés de la même ardeur et des mêmes passions, dévoués corps et âme à la révolution, également braves et loyaux, ils semblaient faits pour s’entendre et se compléter l’un l’autre, et bientôt allait se former entre eux une de ces belles amitiés de

  1. Le père de Victor Hugo.