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En 1792, ceux-là se trouvèrent fort à propos pour rétablir dans nos régimens la discipline détruite par trois années de révolution et pour encadrer nos jeunes volontaires.

Mon homme est un de ces vieux de la vieille, un de ces modestes vétérans qui ne brillèrent pas tous, il s’en faut, d’un grand ceint, mais dont la plupart devinrent d’excellens officiers de troupes. Muscar, — on verra pourquoi, — ne s’éleva pas aux grades supérieurs : il mourut simple brigadier, autrement dit colonel, mais, dans les diverses situations qu’il occupa, il eut le mérite de bien faire. Il ne fut pas seulement un vaillant à une époque de vaillance ; il ne mit jamais rien, même un Vendée, dans sa poche. À ce titre seul, il mériterait déjà d’être tiré de l’oubli. Peut-être trouvera-t-on par surcroît dans sa vie quelques traits intéressant pour l’histoire générale.


I

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Né le 1er août 1757 à Bayonne, Arnould Muscar n’avait que dix-sept ans lorsqu’il s’engagea le 13 juin 1774 au régiment de Vivarais. L’avancement n’était pas rapide alors. Le nouveau roi n’aimait pas la guerre et, sauf celle d’Amérique, à laquelle Vivarais n’eût d’ailleurs aucune part, les occasions de se signaler manquaient absolument. Muscar mit sept ans à passer caporal et, quand éclata la révolution, qui le fit sergent-major en 1791, il n’était encore que fourrier en dépit de ses trente-deux printemps et de ses dix-sept ans de service. Ces chiffres ont leur éloquence : mieux que de longs commentaires, ils expliquent l’étal d’esprit particulier de la troupe et des bas officiers à la fin de l’ancien régime. Des gens que la vie traitait aussi durement ne pouvaient manquer d’embrasser les idées nouvelles avec ardeur, et le mouvement de 1789 trouva dans leurs rangs dès le principe ses plus énergiques défenseurs. Dans les journées qui précédèrent le 14 juillet, c’est la résistance des bas officiers qui compromit le succès des mesures prises par le maréchal de Broglie ; à la prise de la Bastille, c’est leur intervention dans le combat qui fit tomber le pont-levis de la vieille forteresse. Aux 5 et 6 octobre, ils étaient encore au nombre des assaillans, — Hoche s’en vantera plus tard, — et s’ils contribuèrent à sauver le roi qui, par parenthèse, eût mieux fait pour sa gloire de se laisser assassiner ce jour-là, il ne parait pas qu’ils aient rien tenté pour arrachera la mort leurs malheureux camarades des gardes du corps, tant il y avait d’effervescence dans les têtes et de haines accumulées dans les cœurs.

Muscar, grâce à Dieu, n’eut pas la main dans ces premières et tristes journées, où la bravoure française ne rougit pas de s’exercer