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Parme avait un moment été tenté de se mesurer contre lui, il aima mieux manœuvrer, mit la Marne entre lui et le roi de France, et saisit Lagny sous les yeux de son adversaire. Après la prise de Lagny, Henri IV écrivit de son camp de Chelles au duc de Montpensier : « De sorte que voyant la bataille quasy hors d’espérance et la prinse de Paris retardée pour ung long temps, et mon armée composée de noblesse volontaire et la leur souldoyée et nouvellement payée, mes provinces dégarnies pour l’espérance de la bataille qui avait amené la plus part de la noblesse en mon armée, je suis conseillé de l’envoyer chacun en sa province. » (5 septembre 1590.) Peu après la prise de Lagny, Farnèse mit le siège devant corbeil et emporta cette place ; la Seine et la Marne redevenues libres, Farnèse entra dans Paris, où il fut reçu avec de grandes acclamations. Au commencement du mois de novembre, il reprit le chemin des Pays-Bas et traversa la Champagne, pour donner le change à Henri IV ; à peine eut-il le dos tourné, Lagny et Corbeil retombèrent aux mains des royaux. A Guise, Farnèse prit congé de Mayenne et s’en retourna à Bruxelles, où il arriva le 4 décembre.

Pendant la campagne de 1592, Henri IV se rendit maître de tout le cours de la Seine ; il tenait Pont-de-l’Arche et Caudebec et il ne lui restait qu’à prendre Rouen. Farnèse reçut l’ordre d’aller sauver cette ville, comme il avait sauvé Paris : cette fois encore, il fit toutes sortes d’objections ; il demanda des hommes, de l’argent ; il dut pourtant se mettre en route au cœur de l’hiver. Il fit sa jonction avec Mayenne à Guise ; il avait 13,500 hommes de pied et 4,000 chevaux, Mayenne avait promis 13,000 hommes, mais il en amenait beaucoup moins ; le pape avait fourni 2,000 Suisses et le duc de Lorraine 700 cavaliers. Farnèse fut mis en possession de La Fère et prit le commandement de toutes les troupes.

Le duc de Parme était à Aumale, en Picardie ; vers le milieu du mois de lévrier. Henri IV, laissant Biron devant Rouen, se mit en marche, avec le gros de sa cavalerie et alla en personne reconnaître les positions de l’ennemi ; il faillit tomber entre les mains de son adversaire. Farnèse n’avait pas voulu croire que, parmi les cavaliers venus pour insulter ses lignes, était le roi de France en personne ; il refusa d’engager son avant-garde, et Henri IV, poursuivi par le fameux chef albanais Basti, ne dut la vie qu’à la vitesse de son cheval et à 400 dragons qui se jetèrent entre lui et les cavaliers de la ligue.

Farnèse marcha lentement sur Rouen ; il voulait attaquer l’armée royale dans ses lignes et la forcer à lever le siège, quand Villars, qui défendait la place, lui fit dire qu’il avait fait une sortie très