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pouvait trouver des alliés, des vaisseaux en Hollande, des troupes en Allemagne. L’expédition devait être organisée dans les Pays-Bas, c’est là qu’il fallait réunir les troupes, les munitions ; l’embarquement devait se faire à Dunkerque, à Gravelines et à Nieuport. Des bateaux plats, d’un faible tirant d’eau, préférables aux grands navires, pouvaient passer par un temps favorable, en douze heures. Farnèse demandait 30,000 hommes d’infanterie, et, en outre, 500 hommes qu’on monterait en Angleterre. Il comptait prendre 6,000 Espagnols, 6,000 Italiens, 6,000 Wallons, 6,000 Allemands et 3,000 Bourguignons. Le point choisi pour le débarquement était la côte entre Douvres et Margate, pays divisé par des haies et avantageux à l’infanterie, riche et fertile. On marcherait droit sur Londres, ville non fortifiée et aisée à prendre. La reine chercherait sans doute le salut dans la fuite et laisserait tout en confusion.

L’avis du duc de Parme était que le roi d’Espagne n’eût aucun allié dans son entreprise, qu’il réunit une grande Armada contre la flotte anglaise au moment du débarquement, et qu’il choisît pour ce débarquement le mois d’octobre, saison où les granges anglaises sont pleines de grains et de fourrage.

Pour exécuter ces grands projets, il fallait être bien solidement établi dans les Pays-Bas ; ce n’était pas assez de tenir Anvers, il importait de s’emparer des places qui restaient aux Hollandais et aux Anglais, de Flessingue, sur la Meuse, de Venloo et de Grave, sur l’Yssel, de Deventer : il fallait tenir toute cette région, traversée de fleuves, qui sépare le territoire batave de l’Allemagne. Farnèse voulait se rendre maître d’abord de tout le cours de la Meuse, qui forme comme un grand fossé circulaire de la province de Brabant, et fit mettre le siège devant Grave, petite place extrêmement bien fortifiée. Leicester réussit à y jeter un secours : mais, le 11 mai, Farnèse arriva en personne de Bruxelles, et se mit au milieu de ses vétérans. La tranchée fut ouverte le 31 mai ; le 6 juin, tandis que le prince faisait une reconnaissance, un boulet emporta tout l’arrière-train de son cheval : Farnèse en fut quitte pour une chute. L’assaut fut livré le lendemain ; et bien que les Espagnols eussent été repoussés, au bout de quelques heures, le gouverneur demanda à capituler. Farnèse ne perdit pas un moment ; il fit investir Venloo, une ville fortifiée de la Meuse, qui se rendit après une belle résistance.

Après avoir nettoyé la Meuse, Farnèse pensa à nettoyer le Rhin, qui, dans cette région, coule dans la même direction et forme comme un grand fossé parallèle. Neuss fut assiégée et soumise à un traitement sévère. Farnèse était naturellement humain, mais la garnison de Meuss était composée de bandits de tout pays, qui avaient commis de grandes horreurs, et quand la ville fut prise d’assaut, les