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religion est des plus intéressantes : « Vous me transmettez, écrit le roi, cette opinion de quelques hommes graves, sages et consciencieux, qu’on pourrait laisser indéfinie la limite de temps durant laquelle les hérétiques pourraient vivre sans scandale ; mais je ressens vivement le danger de cette proposition. En ce qui concerne la Hollande et la Zélande, ou toutes autres provinces et villes, le premier pas qu’elles aient à faire est de recevoir et de maintenir seulement l’exercice de la religion catholique et de se soumettre à l’église romaine, sans tolérer l’exercice d’aucune autre religion dans les villes, les villages, les fermes, ni aucun autre lieu ; et dans cette règle il faut qu’il n’y ait ni échappatoire, ni variation, ni concession par convention ou autrement d’une paix religieuse, ou de toute autre chose de ce genre. Il faut que tout le monde embrasse la religion catholique, et son exercice seul doit être permis. » (Philippe II à Parme, 17 août 1585.) Tout ce que le roi d’Espagne permit à Farnèse ce fut de ne point rechercher ce que les hérétiques faisaient dans leurs propres maisons « les portes fermées, sans scandales, sans exhibition publique de leurs rites. » Il ajoutait que « cette connivence, et toute abstention d’exécutions ou de châtimens des hérétiques, même s’ils vivent avec beaucoup de circonspection, devait être exprimée dans les termes les plus vagues. »

Philippe II sortit un moment de son calme habituel quand il appui la reddition d’Anvers. Il était au lit, il se leva et alla à la porte de la chambre de sa fille Clara-Isabelle ; il frappa à la porte et cria par le trou de la serrure : « Anvers est à nous ! » puis retourna dans son appartement. Sainte-Aldegonde avait promis de faire ses efforts pour obtenir, après la soumission d’Anvers, celle de la Hollande et de la Zélande. Philippe II crut un moment que la résistance des provinces rebelles allait prendre fin. Mais Sainte-Aldegonde ne devait rien obtenir ; suspect à tout le monde, il s’enferma dans la solitude et chercha une vaine consolation dans les lettres.


II

L’idée fixe de Philippe II était l’invasion de l’Angleterre ; à peine Amers était-elle réduite, il écrivit à Farnèse que les temps lui semblaient venus ; il fallait chercher la racine de tant de maux toujours renaissans dans la Grande-Bretagne et l’y couper. Il demanda au prince le secret sur ce projet et lui fit sentir combien il serait important de prendre un port en Hollande comme base d’opérations. « Sans un port, nous ne pouvons rien faire. » Le grand commandeur de Castille, sur des notes envoyées par le prince de Parme, prépara tous les détails d’un projet d’invasion. Tout était prévu, même ce