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mathématiques, à la théologie, passait son temps en prières et poussait la pruderie jusqu’à fuir tous les spectacles et à fermer Pétrarque quand elle tombait sur un passage un peu tendre. Quand la flotte amena Marie de Portugal aux Pays-Bas, où le mariage devait avoir lieu, Farnèse, lit-on dans les papiers de Granvelle, souhaita que « la flotte et tout ce qu’elle contenait, restât au fond de la mer. » Peu s’en fallut que ce vœu ne fût exaucé, car le vaisseau qui portait la princesse n’arriva à Flessingue qu’après avoir essuyé une furieuse tempête et après un commencement d’incendie. Les noces furent célébrées à Bruxelles, et les jeunes époux se rendirent en Italie. Marie de Portugal eut deux fils en deux ans : Ranuce, qui devint prince de Parme, et Edouard, qui entra dans l’église.

Alexandre Farnèse, n’ayant aucune occupation sérieuse à Parme, passait son temps à la chasse et aux tournois ; il se promenait la nuit sous des déguisemens, cherchant des adversaires pour les forcer à se battre à l’épée. Cette folie ne dura pas trop longtemps, car don Juan d’Autriche invita Farnèse à le rejoindre sur sa flotte. Celui-ci amena avec lui une troupe de 700 soldats et 82 gentilshommes de Parme et de Plaisance : il prit la part la plus glorieuse à la fameuse journée de Lépante, où, l’espadon à la main, il sauta le premier sur une galère turque.

Non Juan, qui avait son neveu en grande affection, l’appela auprès de lui dans les Flandres et Philippe II donna à Farnèse la permission de s’y rendre après la mort de Marie de Portugal. Alexandre rejoignit son oncle au mois de décembre 1577, et, quelques jours après, quand arrivèrent les 6,000 espagnols qu’attendait impatiemment don Juan, Farnèse trouva du premier coup l’occasion qu’il venait chercher. L’armée des états s’était mise en retraite : le 31 janvier, Alexandre Farnèse, allant en reconnaissance dès l’aube avec quelques cavaliers, surprit l’infanterie des états en marche, la chargea, et mit le plus complet désordre dans ses rangs. La vigueur de Farnèse assura une victoire facile à don Juan ; en deux heures, les Espagnols tuèrent 6,000 ennemis, prirent les drapeaux, l’artillerie, les bagages, La bataille de Gembloux fut le dernier sourire de la victoire à l’infortuné don Juan, qui était près de sa fin. Son neveu l’avait trouvé très changé : il avait été frappé de sa tristesse et de son air hagard. Don Juan lui avait témoigné la plus entière confiance ; il lui avait montré toutes les lettres de Philippe, l’avait mis au courant de toutes les affaires, il l’avait forcé à recevoir tous les mois mille couronnes d’or, la somme qu’on ne donnait qu’aux vice-rois et aux généraux en chef.

Après la journée de Gembloux, Farnèse fut occupé à la réduction de diverses places. Il se montra très dur envers Sichem pour