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Toujours prêt an travail, le Bulgare saura aussi créer le second agent de la production, le capital, car il est très âpre au gain et très économe. Dans la plupart des villes, on trouve des marchands qui habitent des maisons confortables et qui ont épargné de petites fortunes. Ils entendent le commerce et entrent volontiers en relation avec les pays étrangers. Ils visitent régulièrement les places commerciales de l’Occident pour y faire leurs achats.

Le Bulgare diffère beaucoup du Serbe. Celui-ci est plus vif, plus ouvert, plus dépensier, plus éloquent, plus chevaleresque, plus poète, mais moins laborieux et moins persistant. Le Bulgare est froid, concentré, réfléchi, même taciturne ; il marche lentement et sûrement vers son but. Le Serbe ressemble au Polonais, le Bulgare au Tchèque ou au Saxon. Le premier contribuera plus au développement littéraire ; le second, au progrès économique. On m’affirme que la moralité est grande. Rares sont les jeunes filles et plus rares encore les femmes mariées qui se conduisent mal. les cafés-concerts ornés de beautés complaisantes, que Midhat-Pacha avait fait ouvrir dans les villes du Danube, pour y apporter la civilisation occidentale, et ceux qu’on a essayé de naturaliser à Sophia, n’ont pas réussi. Les hommes sont occupés et ils passent volontiers les soirées au foyer de la famille. Au total, race solide, forte, prolifique, morale, qui fournira d’excellens matériaux pour une société libre et prospère. La plupart des voyageurs, même les Anglais, en font grand éloge. Je citerai, outre lord Bath, sir George Campbell Forster, l’ancien ministre de l’instruction publique, et même, dans ses écrits réunis par sa femme, lord Stratford de Redcliffe, un juge non suspect. Dans les derniers jours de la guerre russo-turque, les légions bulgares nouvellement organisées, montrèrent le plus grand courage. A Eski-Zagra, sur 1,800 volontaires engages dans le combat, 800 furent tués ou blessés. A Chipka, la légion bulgare Depreradovitch se battit admirablement.

— En allant en voiture visiter les abords du Vitosch, je vois exercer les jeunes recrues sur la plaine des manœuvres. Ils sont habillés de toile grise, avec la coiffure nationale en peau de mouton, le kalpak et portent le sabre ou bandoulière. Ils sont commandés en russe par des officiers russes. Ceux-ci viennent de donner leur démission. Un capitaine me dit que les Bulgares forment d’excellens soldats, sobres, obéissans, durs à la fatigue. Je les vois manœuvrer avec une correction irréprochable. D’après le dernier recensement qu’on m’a remis et qui est rédigé en bulgare et en français, l’armée active compte 16,625 hommes sur une population totale de 1,998,983. Mais, comme d’après la constitution, tout Bulgare est soumis au régime militaire, il sera facile de créer des réserves, dans la mesure où