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d’aller régulièrement à la messe, et cependant ils sont très attachés à leurs popes et à leurs moines, parce que ceux-ci représentent la nationalité.

Sophia a été, du temps des Romains, sous le nom de Serdica, une ville peuplée et importante. Constantin, avant qu’il se fût fixé à Byzance, disait : « Ma Rome est Serdica. » On voit encore vers le sud, sur la route de Berkovitsa, les traces de ses anciens murs. Au moyen âge, elle partageait avec Tirnovo et Preslaw l’honneur d’être la capitale du pays. Aujourd’hui c’est une ville de 20,000 habitans et de 2,968 maisons. La vieille ville a l’aspect d’une cité turque : rues étroites et tortueuses, bordées d’échoppes ouvertes et de pauvres maisons en bois ; les seuls monumens non récens sont huit ou neuf mosquées, dont une est très belle et imposante, et un grand établissement de bains, où jaillit en abondance une eau fort chaude, dans un vaste bassin en marbre blanc. Plus de 5,000 Turcs ont émigré ; leurs maisons sont tombées en ruine ou ont été achetées et démolies, et ainsi a pu surgir, vers l’est de la ville, tout un quartier nouveau, avec de larges rues disposées en damier. C’est là que s’élève le palais du prince, construction imposante qui a coûté, dit-on, plus de 4 millions de francs ; en face, un magnifique hôtel, imitation de ceux du Ring à Vienne, avec restaurant, café à dorure et boutiques à grandes glaces ; plus loin, de magnifiques hôtels ou plutôt des palais pour les consulats d’Angleterre, de Russie, d’Autriche, d’Italie et d’Allemagne, Près de là s’élèvent de grands bâtimens tout blancs : ce sont les ministères, l’école militaire créée par les Russes, le casino des officiers, et dans des jardins un assez grand nombre de jolies villas, avec un rez-de-chaussée sans étage, comme la maison romaine. Ceci est très commode, mais prend beaucoup de place. Voici la distribution de la maison de M. Queillé, où je suis logé : sur un vestibule central s’ouvrent, à droite, la salle à manger et le salon, en face, le cabinet de travail et la principale chambre à coucher ; à gauche, encore trois chambres à loger ; en arrière, un petit corps de logis contenant la cuisine et la dépendance. Beaucoup de caves, mais pas de grenier ; car le toit recouvert de tôle peinte, comme en Russie, est très plat. Cette maison peut valoir 30,000 francs. Le terrain se vend déjà ici 40 à 50 francs le mètre, près du grand marché, ailleurs 14 à 15 francs. Les constructions se font en moellons qui viennent des environs et qui disparaissent sous un stucage en ciment élégant et soigné. Le bois de construction coûte très cher, car il est amené ici par charrettes à buffles d’une distance de quatre à cinq journées.

Je ne connais pas de ville aussi malheureusement située que