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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

Le résultat des élections du 4 octobre et l’aggravation de la situation politique dans la péninsule des Balkans ont eu pour conséquence sur notre marché une baisse considérable non-seulement des fonds publics, mais de plusieurs valeurs de premier ordre qui avaient échappé, en partie du moins, jusqu’à présent, à l’influence des mouvemens déterminés par la spéculation sur les prix des rentes.

Bien que le parti de l’opposition conservatrice, grâce à l’esprit de discipline qui, à Paris et dans les départemens, avait présidé à la confection des listes de candidats et cimenté l’union sur le terrain de la résistance à la politique opportuniste et aux progrès du radicalisme, s’attendît avec raison à gagner un assez grand nombre de sièges, il ne comptait cependant pas sur un succès aussi complet. Le verdict du corps électoral, au premier tour de scrutin, a été une condamnation éclatante des erremens, des principes et des actes du parti qui tenait le pouvoir depuis les dernières élections générales. L’opportunisme a succombé sous le poids des fautes accumulées pendant sa longue gestion des affaires. Il a payé de la perte de son influence et de sa vitalité politique les mécomptes successifs et les dépenses énormes de l’expédition du Tonkin, le mécontentement provoqué dans les régions du Nord, de l’Ouest et du Midi par la persécution religieuse et l’application du système de la laïcisation à outrance, enfin le désordre porté dans les finances et rétablissement du déficit chronique.

Les élections du k octobre ont aussi porté un coup décisif, sinon au régime républicain lui-même, du moins au gouvernement de la majorité inféodée aux successeurs de M. Gambetta. Si les conservateurs ont largement profité du discrédit de l’opportunisme, la défaite de celui-ci a, dans une mesure non moins appréciable, fortifié le radicalisme. Les partis extrêmes se trouvent donc en présence pour le second tour de scrutin, et l’on peut appréhender sérieusement que la composition de la prochaine chambre ne rende très difficile la constitution d’une majorité de gouvernement et la formation de ministères durables. Les diverses fractions du parti républicain ont bien pu, sous le coup de la défaite subie le k octobre, faire trêve à leurs divisions et serrer leurs rangs en face du parti conservateur qu’elles se plaisent à appeler l’ennemi commun. Mais ce mouvement de concentration peut ne pas survivre