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ses clochetons en forme de bulbes et sa façade style italien, a très grand air. On entrevoit encore la trace des boulets turcs de 1862. L’intérieur n’offre rien de curieux, sauf l’iconostase, couverte de grandes figures de saints sur fond d’or; elle forme une haute paroi, derrière laquelle les officians disent la messe. Le nombre des fidèles est très restreint : quelques femmes qui embrassent les images des saints et allument des cierges, presque pas d’hommes. Si la foi n’est pas morte, les pratiques paraissent très négligées. Un volontaire italien, M. Barbanti Brodano, qui a fait la guerre de 1875 en Serbie, rapporte, dans un volume de souvenirs très vivement écrit et intitulé sulla Drina, qu’il a été très frappé de rencontrer si peu d’églises en ce pays. Sept ou huit hameaux n’en ont qu’une seule, située à une .grande distance et d’apparence plus que modeste. Grande différence, remarque-t-il, avec l’Italie, où chapelles, oratoires et églises abondent. Le fait est que la statistique nous apprend qu’il n’y a que 972 paroisses pour 2,253 villes, villages et hameaux. Les évêques seuls (il y en a cinq) reçoivent un traitement de l’état. Les popes sont entretenus par les fidèles. D’après une loi récente, outre le casuel, ils ont droit à 2 francs par tête de contribuable. Beaucoup ont famille, car ils peuvent se marier avant d’être consacrés diacres. Ils ne sont pas forts en théologie ; les études au séminaire ont été, jusqu’à présent, très négligées ; beaucoup, dit-on, ne comprennent pas le vieux slave des offices; mais le peuple les aime, parce qu’ils cultivent eux-mêmes leur champ, qu’ils partagent les sentimens populaires, et qu’ils ne visent nullement à une prééminence théocratique. Ils n’exercent en aucune façon sur leurs ouailles cette influence en matière politique que le prêtre catholique a conservée sur les campagnards, dans les pays de foi, comme l’Irlande, le Tyrol ou la Belgique. Ceci est important pour les élections.

Les églises du rite oriental ne sont pas toujours ouvertes comme celles des catholiques. Elles ne le sont, comme chez les protestans, que les jours de fêtes, à l’heure des services. L’unitairien Channing, peu porté cependant aux pratiques dévotes, préfère l’usage catholique. L’évangile dit sans doute : « Quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme la porte et prie ton Père en secret ; » mais à moins de nier toute influence des choses extérieures, il faut bien admettre que l’âme s’élèvera plus aisément vers Dieu dans un temple et parmi les symboles qui le rappellent qu’entre quatre murs nus. Les orthodoxes, trouvant presque toujours closes les portes de leurs lieux de culte, en oublient facilement le chemin.

Je fais visite au métropolite, Mgr Mraovitch. Il est le chef de l’église nationale de Serbie, depuis qu’à la suite du traité de Berlin celle-ci s’est affranchie du patriarcat de Constantinople et que,