Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/892

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

loi comme une marchandise toujours offerte sur le marché et facile à transmettre.

La loi des successions a veillé à ce que la division des grands domaines, des fiefs que les familles pouvaient être tentées de constituer, ou que des étrangers même pourraient acquérir, au détriment des intérêts politiques du pays, fût rapide. Non-seulement la division des biens patrimoniaux s’opère entre les descendans du défunt, mais l’époux survivant reçoit une part d’enfant, en dehors de sa part dans la communauté, qui est la loi absolue des sociétés conjugales-A défaut d’enfant légitime, la succession est dévolue à l’époux et aux enfans naturels même non reconnus, protégés par la recherche de la paternité, permise même après le décès du père.

La valeur vénale de la terre ne varie guère que par grandes zones, la proximité d’un cours d’eau, d’un village, d’une voie ferrée, l’espérance prochaine d’en voir construire une, modifient les prix de vente ; il est cependant facile de donner une idée exacte de la valeur de chaque zone.

Prenons comme point de départ la rive occidentale de l’estuaire de la Plata et comme centre de rayonnement la ville même de Buenos-Aires. Si nous tirons une ligne droite de ce point vers l’ouest, elle partagera d’abord la province de Buenos-Aires, puis les territoires nationaux et le désert de la pampa d’abord jusqu’aux Andes, leur limite extrême à l’ouest : le littoral au nord de cette ligne est la partie la plus riche et la plus anciennement peuplée ; la région Sud, moins recherchée et depuis moins longtemps, appartient à une formation géologique différente ; l’humus y a moins de profondeur, le sous-sol en est moins perméable et retarde l’absorption des eaux pluviales. Le prix est donc, à distance égale, supérieur d’environ un tiers dans la région du Nord ; il faudra tenir compte de cette différence dans les prix que nous allons indiquer.

Dans le premier rayon de cinq lieues en partant de la ville de Buenos-Aires, la terre, nue, occupée généralement par les Basques qui fournissent le lait à la ville et par la petite culture, se vend facilement de 600 à 800 francs l’hectare : tous les aménagemens, bâtisses, clôtures se comptent à part.

En s’éloignant de cinq lieues encore, on obtient les mêmes terres à 500 francs l’hectare ; elles sont divisées et employées de la même façon; c’est la région des fermes, chacras, dont les plus grandes ont de 600 à 1,000 hectares.

Dans le rayon suivant de dix à vingt lieues, les grandes propriétés abondent, c’est la région où l’élevage du mouton domine. La terre vaut de 3 à 400 francs l’hectare et se loue généralement par lots de 200 hectares, surface nécessaire à l’entretien d’un troupeau de 1,500 têtes. Le prix de location annuelle varie de 10 à 15 francs