Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/850

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inhabitées. Des révélations tardives sont venues en effet, au bout de quelques années, répandre une triste lumière sur l’origine et la conduite de ces entreprises scandaleuses.

Néanmoins, la grande masse du parti républicain demeurait attachée à Grant, et les meneurs du parti ne cessaient de proclamer bien haut la nécessité de maintenir, dans l’intérêt du pays, une administration sous laquelle ils faisaient si bien leurs affaires. Grant fut réélu sans difficulté parce qu’il fut impossible à ses adversaires de toute nuance de se mettre d’accord pour lui opposer un concurrent sérieux. Dans son discours d’inauguration, il se plaignit amèrement des critiques dont il avait été l’objet, malgré la conscience qu’il avait apportée dans l’accomplissement de ses devoirs. « J’ai été en butte, disait-il, à des outrages et à des diffamations dont on trouverait peu d’exemples dans l’histoire politique ; mais je sens que je puis les dédaigner aujourd’hui en présence de votre verdict que j’accepte avec reconnaissance comme la justification de ma conduite. »

Il se croyait donc autorisé à persévérer dans la ligne de conduite qu’il avait adoptée : les faits ne tardèrent pas à le détromper. Les populations du Sud reprenaient courage depuis qu’elles étaient assurées de rencontrer des sympathies parmi la population du Nord et depuis que leurs plaintes trouvaient un écho au sein du congrès. Un conflit éclata en Louisiane entre deux candidats qui se prétendaient également élus aux fonctions de gouverneur. Le président y envoya le général Sheridan avec des instructions draconiennes : le général fit expulser du palais législatif un certain nombre de députés et y installa leurs compétiteurs sous la protection des baïonnettes. Cette façon de traiter les élus du peuple provoqua, au sein du congrès, de vives critiques, auxquelles s’associèrent plusieurs des membres les plus importans du parti républicain. Dans le pays, la désapprobation fut si générale et si forte, que Grant crut devoir renoncer à faire usage des pouvoirs extraordinaires qui lui avaient été conférés, et il donna pour instructions aux commandans des forces fédérales de laisser désormais les gens du sud régler leurs querelles entre eux.

Une mortification plus sensible lui était réservée. Au nombre des traits les plus honorables de son caractère, il faut mettre la sûreté de son commerce et sa fidélité à ses amitiés. Il n’a jamais marchandé les éloges à ses lieutenans, particulièrement à Sherman et à Sheridan, les félicitant hautement de leurs succès, reportant volontiers à leur concours l’honneur de ses propres victoires et les défendant en toute occasion. On a vu avec quelle persistance et quelle énergie il soutenait les généraux qu’il envoyait commander dans le Sud. Il n’agissait point autrement à l’égard des fonctionnaires civils. Il demandait